Nous devons transposer les directives européennes avec autant de soin que possible

 

André Gattolin est intervenu ce mercredi 26 septembre au sujet d’un Projet de loi portant transposition de directives européennes, dans le domaine économique. Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,

L’exercice auquel nous nous livrons aujourd’hui peut paraître extrêmement technique et un peu aride si j’en juge par l’affluence assez réduite en cette fin de matinée.

Il est vrai que la marge de manœuvre du Parlement – mais aussi celle du Gouvernement – est très restreinte dans le cadre de projets de loi visant à transposer des réglementations européennes dans notre droit national.

Il s’agit pourtant d’un travail essentiel qui appelle, sur le fond comme sur la forme, la plus grande vigilance et une rigueur extrême de notre part.

Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions que nous avons à étudier puisque les orateurs qui m’ont précédé les ont déjà très largement commentées.

Je préfère m’attarder un peu sur des questions de méthode, car il me semble nécessaire dans ce genre d’exercice d’insister sur ce que doit être l’établissement de bonnes pratiques, tant parlementaires que gouvernementales, en la matière.

Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui renvoie à trois textes européens.

La directive « Omnibus I » fait partie de l’arsenal déployé au beau milieu de la crise économique et financière pour renforcer la supervision européenne des secteurs de la finance.

Les deux autres textes – la directive « monnaie électronique » et celle sur les « retards de paiement » – sont plus détachés de cette actualité.

Pour chacun de ces trois textes, il est cependant un point fondamental que je voudrais mettre en avant, et qui concerne la méthode employée.

Du fait de notre appartenance à l’Union, la législation européenne s’impose aux Etats membres une fois entrée en vigueur.

Cela ne signifie cependant pas que les législateurs nationaux n’aient pas leur mot à dire, bien au contraire.

Depuis le Traité de Lisbonne, notre rôle s’est sensiblement accru, notamment à travers le contrôle de subsidiarité que nous exerçons en amont de la législation européenne.

Est-il nécessaire ici de rappeler comment le Sénat français – en agissant de concert avec les parlements d’autres Etats membres – est récemment parvenu à infliger à la Commission européenne son premier « carton jaune » à propos de la proposition dite « Monti 2 », obligeant celle-ci à annoncer la semaine dernière le retrait définitif de son texte ?

N’est-ce pas là la preuve que les interactions entre institutions européennes et institutions nationales, si elles sont encore perfectibles, sont néanmoins bel et bien en cours de perfectionnement ?

Ce droit d’agir en amont de la législation européenne a – et cela est bien normal – sa contrepartie en aval de celle-ci.

Une fois que l’Union européenne a pu se mettre d’accord sur une législation, chaque Etat membre doit respecter et appliquer la décision commune. On voit mal comment l’Union pourrait fonctionner autrement.

C’est pourquoi nous nous devons de transposer en droit interne les directives européennes avec autant de soin que possible.

Et c’est là que le bât blesse, ou tout au moins qu’il a, jusqu’à présent, souvent blessé.

A maintes reprises, la France a été montrée du doigt en raison de ses difficultés à transposer, dans le temps imparti et sans fausse note, les décisions communautaires. Notre pays a même parfois été très lourdement condamné pour ses manquements !

Je pense par exemple à la lourde amende qui nous a frappé en 2005 à propos d’un texte régissant la pêche aux merluchons.

Par chance, nous passons parfois – si j’ose dire – à travers les mailles du filet… Cela fut notamment le cas lorsque le gouvernement précédent ne transposa pas correctement une directive concernant l’encadrement des bonus versés aux traders.

Dans sa transposition en droit français, l’obligation d’établir un rapport « équilibré » entre la part fixe et la part variable de la rémunération des traders est étrangement devenue en droit français un rapport « approprié » … ce qui, entre nous, ne signifie plus rien !

Nous avons bien failli encore une fois, manquer à nos obligations – au moins en termes de délais – sur deux des trois directives que nous étudions aujourd’hui.

En effet, la France est d’ores et déjà en retard pour transposer la directive « Omnibus » et la directive « Monnaie électronique ».

La raison en est que la majorité et le gouvernement précédents ont voulu procéder par ordonnances, grâce à une habilitation qu’était censée leur donner la loi « Warsmann » ; loi censée procéder à des simplifications administratives, mais qui, dans les faits, était une sorte de loi fourre-tout chargée de nombreux cavaliers législatifs pour le coup totalement « inappropriés ».

En retard de transposition, le gouvernement français de l’époque avait tenté de sauter l’étape parlementaire.

La conséquence a été que le Conseil constitutionnel invalida cette procédure quelque peu « cavalière », et que la transposition en a été encore davantage retardée, nous mettant aujourd’hui sous le coup d’un éventuel recours en manquement…

Ce que je veux souligner par là, c’est qu’il est plus que jamais nécessaire que nous prenions très au sérieux ces questions de transposition… et que le Gouvernement fasse le choix de travailler plus étroitement avec le Parlement, en particulier les Commissions des affaires européennes du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Nous devons donc nous féliciter que ces trois textes soient enfin examinés par notre assemblée, en particulier sous la vigilance extrême de notre collègue Richard Yung.

Le travail de précision auquel il s’est livré en commission des finances nous évitera, j’en suis sûr, tout autre désagrément concernant ces trois textes.

C’est précisément le genre de procédures et d’investigation qui auraient du être retenus dès le départ.

J’espère que cette ligne de conduite sera désormais celle du gouvernement tout au long des années à venir.

Quand je vois que ce n’est qu’aujourd’hui que nous nous penchons sur une réglementation datant de 2010 relative à la supervision bancaire, alors même qu’un nouvel accord européen bien plus ambitieux en la matière devrait prochainement voir le jour, je ne peux m’empêcher de penser que les procédures de travail entre les différents niveaux de compétences qui composent l’Union européenne gagneraient à être clarifiées, rationalisées pour, in fine être simplifiées.

Ces remarques faites, le groupe écologiste du Sénat votera en faveur du projet de loi.