Programmation et gouvernance des finances publiques

André Gattolin est intervenu ce lundi 29 octobre 2012 au nom du Groupe écologiste, durant la discussion du projet de loi organique sur la programmation et la gouvernance des finances publiques.

« Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,

Le présent projet de loi organique parachève la transposition d’une partie des mesures instaurées par le Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance en matière économique qui a été adopté par le Parlement français au cours du mois écoulé.

Le texte que nous examinons aujourd’hui relève donc d’une obligation légale.

Interrogé par le Président de la République, le Conseil constitutionnel  a confirmé cet été que ce texte pouvait prendre la forme d’une loi organique et ne nécessitait donc pas son inscription dans notre Constitution.

Le Législateur dispose donc d’une plus grande souplesse dans la définition des modalités d’application des règles édictées par le TSCG et dans sa capacité à amender cette loi à l’avenir.

Pour cette raison, et aussi en raison de la réorientation amorcée des politiques de l’Union européenne, le Groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi.

Toutefois en l’état du texte, plusieurs aménagements nous paraissent devoir être adoptés pour en améliorer sa valeur et sa pertinence au regard de la bonne gouvernance de nos institutions et des objectifs poursuivis par notre pays dans le cadre du renforcement de la construction européenne.

Les amendements que nous présentons sur ce texte visent en particulier à améliorer la nature et le fonctionnement de l’une des principales innovations qu’il comporte : la création d’un Haut Conseil des finances publiques.

Comme d’autres Etats signataires du TSCG ayant opté pour sa transcription au travers d’une loi organique, la France compte déjà plusieurs organismes compétents en matière de prévisions et de finances publiques.

Mais ceux-ci, en dépit de leurs qualités, ne paraissent pas nécessairement en mesure de répondre aux nouvelles exigences posées par le Traité et ne disposent pas – comme c’est malheureusement souvent le cas en France – de statuts garantissant leur pleine indépendance à l’égard du pouvoir exécutif.

C’est la raison sans doute pour laquelle le Gouvernement a jugé nécessaire la mise en place d’un Haut Conseil pour mieux s’y conformer.

Il convient dès lors d’être particulièrement vigilant s’agissant du rôle et de la composition de ce nouveau Conseil.

Compte tenu de la densité et de l’étalement dans le temps des procédures budgétaires, son intervention auprès du gouvernement sera quasi permanente. Par ailleurs, il n’est pas exclu que ses compétences soient encore étendues au fil du renforcement probable de la coopération budgétaire, économique et fiscale au sein de l’Union européenne dans les années à venir.

Nous devons donc permettre à ce nouveau Conseil d’éviter deux écueils :

– Celui d’être un nouveau comité Théodule dont les opinions ne seraient pas réellement suivies :

– Celui d’être un comité de censure discrétionnaire, dont les avis ne le seraient que trop.

Nous devons mettre le Haut Conseil en capacité d’éclairer pleinement le Gouvernement et la représentation nationale, et non simplement de les contraindre. Cela suppose de s’assurer non seulement de sa compétence technique, mais aussi de sa légitimité politique et intellectuelle, notamment à travers la diversité et le pluralisme des membres qui le composeront.

A ce titre, trois améliorations au moins nous semblent possibles :

– La première, c’est de permettre la publication des opinions minoritaires qui s’exprimeront en son sein. Les sujets que le Haut Conseil aura à traiter sont par nature complexes ! Et assumer publiquement cette complexité ne semble pas aberrant, quand bien même la décision du Haut Conseil – et sa décision seulement – fera autorité. La Cour suprême des Etats-Unis procède de la sorte, comme du reste beaucoup d’autres institutions. Notre Sénat fait de même, par exemple, dans le cadre de ses commissions d’enquête. Or je ne crois pas que cette pratique en affaiblisse l’autorité.

– Notre seconde proposition concerne les membres du Haut Conseil choisis par le Parlement. Si nous voulons que la légitimité et l’indépendance de ces personnes soient réellement incontestables, nous ne pouvons pas nous contenter d’une nomination par nos Présidents de chambre et de commissions des finances.

Cette nomination doit obéir à une logique plus collégiale et impliquer les commissions des finances dans leur ensemble au travers d’un vote de leurs membres à la majorité qualifiée. Cela permettra de garantir un certain consensus et un indispensable pluralisme dans le choix des personnalités retenues.

En outre, parce que ces nominations relèvent d’assemblées parlementaires où l’égalité homme-femme devrait être l’un des principaux objectifs, nous proposons que ces quatre membres soient nommés à parité.   S’agissant des autres membres du Haut Conseil, nous ne pouvons malheureusement pas faire la même proposition car ce pourrait être perçu comme un empiétement sur la souveraineté de la Cour des Comptes. Mais peut-être cette institution saura-t-elle utilement s’inspirer, en la matière, de nos propres décisions.

– Enfin, notre troisième grande proposition vise à remplacer, au sein du Haut Conseil, l’un des représentants des grands corps et administrations de l’Etat par une autorité reconnue du monde universitaire – en l’occurrence, par le Président de l’Office français des conjonctures économiques ou son représentant.

Ce dernier remplacerait ainsi le Directeur général de l’Insee. Celui-ci, quelles que soient ses qualités et celles de son institution, nous semble dépendre trop largement du pouvoir exécutif pour participer sereinement aux travaux du Haut Conseil. Il est nommé et révocable par décret pris en Conseil des Ministres, ce qui explique certaines polémiques passées. En outre, l’INSEE et son personnel sont déjà très largement associés à l’élaboration des hypothèses sur lesquelles se base le gouvernement pour bâtir son budget. Le Directeur général de l’INSEE ferait donc en la matière figure de juge et partie…

En conclusion, je dirais qu’il est sans doute difficile de trouver débat plus technique et plus aride que celui sur nos finances publiques et sur les règles encadrant leur élaboration.

Mais il est tout aussi difficile d’en trouver un dont les enjeux politiques et sociaux sont aussi importants.

En adoptant cette loi organique et en donnant raison aux quelques propositions que je viens d’exposer, je crois que nous pouvons trouver le bon équilibre entre tous ces enjeux et placer au juste niveau le curseur entre technicité et débat citoyen.

Je vous remercie. »