Serge Guillon, Secrétaire général aux affaires européennes, auditionné au Sénat le 14.02.2013

Le Secrétaire général aux affaires européennes, par ailleurs Conseiller « Europe » du Premier Ministre, était auditionné le 14 février dernier par la Commission des Affaires européennes, sous la présidence du Sénateur Sutour.

Après les propos liminaires de Simon Sutour et son propre exposé, Serge Guillon a répondu aux questions et aux interpellations des Sénateurs présents. André Gattolin a notamment souligné la nécessité de mieux informer et mieux associer le Parlement national à la conduite de la politique européenne du gouvernement français. Il a également regretté le manque de transparence s’agissant de certains dossiers sensibles, comme par exemple les négociations sur d’éventuels traités de libre-échange avec le Canada ou les Etats-Unis.

Vous trouverez ici quelques extraits du compte-rendu de cette réunion réalisé par les services du Sénat.

M. Simon Sutour, président. – Je vous remercie, monsieur le Secrétaire général, d’avoir répondu à notre invitation. Nous devrions sans doute nous fixer des rendez-vous réguliers pour échanger sur des sujets d’actualité. Nous nous étions rendus, il y a longtemps, dans les anciens locaux du Secrétariat général aux affaires européennes. Nous avions mieux compris son rôle, essentiel mais méconnu, dans la coordination du travail interministériel sur les questions européennes. Il est important pour nous de bien identifier les étapes des procédures européennes, qui sont souvent complexes, et de comprendre le rôle des différents acteurs. Nous éprouvons, en particulier, une certaine frustration quant aux suites qui sont réservées aux résolutions que nous adoptons. Elles semblent parfois tomber dans l’oubli… Quel sort le gouvernement leur réserve-t-il lors des négociations ? Il nous semble que l’exécutif devrait nous en informer : il y a là une vraie marge de progression dans nos relations avec lui.

Le récent Conseil européen est parvenu à un compromis difficile sur le prochain cadre financier pluriannuel ; le budget européen régressera. Quel a été le rôle de la France dans ces négociations ? Lors d’une réunion que nous avons eue hier avec les membres de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale et nos parlementaires européens, plusieurs sujets ont été abordés : l’avenir institutionnel de l’Union et les propositions de M. Van Rompuy, les problèmes de la zone euro et la mise en oeuvre de l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. M. Cohn-Bendit est intervenu, de même que Jean Arthuis, et nous avons beaucoup parlé du budget adopté par ce Conseil européen, un budget provisoire, puisqu’il doit encore être débattu au Parlement européen. Nous sommes attentifs au devenir de la PAC, qui doit être réorientée : M. Cohn-Bendit a donné des chiffres…

M. Jean Bizet. – Caricaturaux !

M. Simon Sutour, président. – Je ne suis pas d’accord ! La situation s’aggrave pour des régions comme la mienne dont les productions sont peu sensibles à la PAC. La politique de cohésion figure à présent dans les traités : qu’est-il advenu de la proposition de Johannes Hahn sur les régions de transition ? Je partage la position de Danuta Hübner, présidente de la commission du développement régional au Parlement européen.

Reste que le Parlement doit donner son approbation. Le pire serait une annualisation, qui nous plongerait dans une forme de précarité, le mieux serait un bon accord avec le Parlement européen qui, jouant son rôle, obtiendrait des résultats sur certains points. L’avenir de l’union économique et monétaire, que Richard Yung suit particulièrement, se dessinera dans les prochains mois. Le Conseil européen de juin est une échéance importante.

M. Serge Guillon, Secrétaire général des affaires européennes. – Ce sera avec plaisir que nous organiserons une réunion dans les nouveaux locaux du SGAE. Ma fonction est double : secrétaire général, de l’administration du SGAE, je suis, c’est la tradition, le conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes. Notre machine administrative comporte environ 220 personnes, et son mode de fonctionnement repose sur une double légitimité, technique et politique.

Légitimité technique, car il nous revient de définir les positions exprimées par la France dans les différentes enceintes européennes de négociation à Bruxelles. Cela implique, pour le Conseil, d’exprimer une position et, pour le Parlement européen, d’expliquer aux élus les positions du Gouvernement, par des notes ou, de plus en plus, des échanges avec eux. Ce travail impose souvent de gérer des objectifs contradictoires, d’autant plus que la France est victime de ce que je nomme le syndrome du grand pays : elle est en effet concernée par la quasi-totalité des sujets, à la différence de pays plus petits, ou de certains grands pays dont les priorités sont traditionnelles et évoluent peu – ainsi la sphère financière pour le Royaume-Uni.

Une telle diversité de sujets requiert une vraie compétence technique, afin d’être des interlocuteurs crédibles des ministères concernés. C’est pourquoi le SGAE est un modèle réduit de l’administration française : on y trouve aussi bien un colonel de gendarmerie qu’une conseillère maître à la Cour des comptes, un médecin qu’un membre de l’Inspection générale des finances, un membre du corps des mines, ou des ponts et chaussées… Ces fonctionnaires restent au SGAE pour des durées variables : leur rotation contribue à la diffusion d’une culture communautaire.

Les sujets européens sont désormais perçus comme des sujets intérieurs. Il nous faut rendre une multitude d’arbitrages, et nous inscrire dans une guerre d’influence, de lobbying, qui prend de plus en plus d’importance dans la détermination des politiques communautaires : les acteurs y sont de plus en plus nombreux, parfois extra-européens (les Américains et les Chinois sont très présents) ; notre objectif est d’en devenir un aussi. Cela suppose de définir nos positions très tôt, et de savoir les propager afin d’influer sur les négociations, au moment où elles se cristallisent. Rendre des arbitrages, définir une stratégie, réclame une légitimité politique, conférée au secrétaire général par son rôle de conseiller auprès du Premier ministre.

Nous développons aussi des relations avec le Parlement, avec le Parlement européen, avec les associations de collectivités locales, avec les think tanks, avec le monde académique, le monde économique… J’ai défini deux axes de développement : accroître l’ouverture sur le monde extérieur, par des contacts directs avec le monde économique, car les ministères par leur approche sectorielle font parfois écran à notre perception des problèmes ; développer la réflexion stratégique. La France pèche en effet par un déficit de réflexion stratégique : pour peser dans les négociations, il faut d’abord savoir où l’on veut aller. Sinon, on se condamne à être en situation de réaction et à subir le calendrier européen.

J’ai lancé, avec l’accord du Premier ministre, un programme de groupes de réflexion interministériels, qui peuvent auditionner des experts extérieurs et dont l’objectif est de produire des mémorandums définissant des propositions opérationnelles et susceptibles d’être des vecteurs d’influence. La politique européenne de l’énergie, la stratégie commerciale, l’avenir de l’union économique et monétaire, la stratégie industrielle sont autant de sujets dont ces groupes s’emparent. Sur le thème de la culture, par exemple, un slogan comme « l’exception culturelle à la Française » n’est pas forcément compris par nos partenaires : montrer le modèle économique qui le sous-tend est plus convaincant. J’installerai prochainement un conseil scientifique composé de personnalités extérieures qui participeront à nos débats.

Le Conseil européen était consacré à trois sujets : le cadre financier pluriannuel, la stratégie commerciale de l’Union, et les relations extérieures, avec la Syrie et avec le Mali. En réalité, les deux derniers sujets ont été abordés en quelques minutes à la fin de la réunion, après une nuit blanche de négociation, et sans qu’un temps suffisant soit consacré aux débats. Cette négociation du Cadre financier pluriannuel est inachevée : il faudra l’accord du Parlement européen, et de nombreuses incertitudes techniques sur les résultats demeurent. Avant-hier, nous avons même reçu un nouveau tableau. Je resterai donc prudent.

Pour la première fois, le cadre financier pluriannuel a été négocié à vingt-sept, ce qui était un élément de difficulté supplémentaire par rapport à la négociation précédente, conduite à vingt-cinq. Encore a-t-on compté avec la Croatie, dans la perspective du prochain élargissement. Elle s’est ouverte dans un contexte général de crise des finances publiques, et de crise du concept même de solidarité – or le budget européen est, par excellence, un exercice de solidarité. S’y ajoute une véritable crise de sens du projet européen : des fissures apparaissent, comme on l’a vu récemment dans le discours du Premier ministre anglais.

Ce type de négociation s’ouvre, de surcroît, avec un héritage. Pour nous, il s’agit du piège du chèque britannique, version Fontainebleau de 1984, révisée à Berlin en mars 1999 avec le rabais de 75% sur leur contribution théorique obtenu par quatre pays en mars 1999, et consolidée par la suite. La France se retrouve le principal financeur de ce chèque, qui compense en partie le solde net de ces Etats et dont elle paie environ un tiers ; elle aurait donc intérêt, paradoxalement, à ce que le solde net des Britanniques ne se dégrade pas trop, ce qui pourrait nous inciter à les défendre. Leur chèque représente 10% de notre contribution aux finances de l’Union européenne (2 milliards d’euros sur vingt milliards).

(…)

M. Serge Guillon. – Les dépenses qui donnent lieu à retour et celles qui n’y donnent pas lieu ne sont pas traitées de la même manière dans la négociation : un accord est facilement trouvé pour réduire des dépenses d’action extérieure, par exemple, parce qu’elles ne donnent pas lieu à retour. Depuis 1984, et à cause de l’attitude de la Commission européenne depuis une dizaine d’années, les États se focalisent sur les soldes nets, alors que ce n’est en rien une indication des relations entre un État et l’Union : l’économie allemande, par exemple, a considérablement bénéficié de l’élargissement à l’est du marché intérieur, sans que cela se reflète dans le solde net de sa contribution à l’Union. Émile Noël, qui a été longtemps le secrétaire général de la Commission européenne, s’est toujours opposé au calcul de ces soldes nets, qui lui semblaient la négation même de la solidarité européenne – un ménage aurait peu de chances de survivre à semblable exercice…

Autre point, la particularité de la procédure et son interprétation par M. Van Rompuy. L’élaboration des perspectives financières a été l’occasion de mettre à l’épreuve, à haut niveau, l’articulation entre la présidence tournante et la présidence du Conseil européen. La préparation de la négociation a été assurée par la présidence tournante, danoise puis chypriote. En septembre, celle-ci a mis sur la table une proposition de compromis. Quelques jours plus tard, le président du Conseil européen a convoqué un Conseil européen exceptionnel en avançant une autre proposition de compromis, reprenant ainsi la main. A cette occasion, des consultations bilatérales ont été organisées sans la présidence chypriote. Le sommet a échoué.

Selon la procédure classique la présidence tournante aurait dû élaborer un nouveau projet, examiné par le Coreper avant d’être soumis aux ministres des affaires européennes en Conseil Affaires générales. Toutefois, M. Van Rompuy a déclaré que le Conseil européen avait simplement été suspendu et qu’il reprendrait en février. Cette interprétation a eu pour conséquence de mettre à l’écart la présidence irlandaise, qui n’a découvert que le 4 février des chiffres qui servaient de base à nos discussions bilatérales. Le Parlement européen n’a pas, non plus, été associé, son président recevant quelques esquisses le même jour – sa réaction se comprend ainsi aisément. Il appartiendra aux Irlandais de renouer le fil du dialogue car l’accord conclu devra être traduit dans un règlement, adopté par le Conseil Affaires générales et présenté au Parlement européen.

Quels ont été les résultats ? M. Van Rompuy a considéré très tôt que pour parvenir à un accord, il fallait obtenir un préaccord entre le Royaume-Uni, la France, et l’Allemagne. Avec cette dernière, après nos échanges bilatéraux, nos positions étaient très proches, même si nous n’avons pas jugé souhaitable de les formaliser pour ne pas donner l’impression de vouloir les imposer à nos partenaires.

La position initiale des Britanniques était très éloignée. M. Cameron cherchait à garder son chèque – son abrogation relevant de l’unanimité, il dispose d’un pouvoir de blocage éternel ! Il a tenu des propos très critiques à l’égard de l’Union européenne et souhaitait que le budget diminue de 200 milliards d’euros, soit 20%. Finalement il a fait des pas de géant, revenant à 100 milliards le premier jour, puis 50 milliards, et il ne réclamait plus qu’une baisse de 30 milliards le soir du deuxième jour du Conseil. Il n’est pas exclu, si le président Van Rompuy avait cherché à pousser son avantage, qu’il ait ensuite adhéré au paquet sur la table. L’Allemagne, quant à elle, avait adopté une position flexible : la chancelière voulait avant tout parvenir à la signature d’un accord, lequel lui garantissait le renouvellement du chèque d’un milliard d’euros qu’elle avait obtenu en 2005. La France, enfin, était prête à accepter une coupe raisonnable de l’ordre de 10 à 15 milliards d’euros de l’enveloppe globale, et exprimait des préoccupations concernant les régions en transition, les régions ultrapériphériques, la PAC, et le plafonnement de sa contribution au rabais britannique.

M. Van Rompuy a cherché à obtenir l’adhésion de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne aux grands équilibres, tout en gagnant le soutien des autres pays par une politique « de cadeaux ». M. Cameron a tenté de pousser son avantage sur les crédits de paiement et d’obtenir une coupe de plus de 30 milliards dans les crédits d’engagement. Cependant, la France avait annoncé qu’elle n’était pas prête à accepter une baisse des crédits d’engagement supérieure à 15 milliards et que la baisse des crédits de paiement devait être cohérente avec l’écart habituel entre les deux, soit environ 5% ; l’Allemagne était plus souple. Finalement le budget a été arrêté à 960 milliards en crédits d’engagement et à 908,4 milliards en crédits de paiement, soit une baisse de 3% par rapport aux enveloppes précédentes. Toutefois, ce plafond témoigne d’une hausse par rapport aux 855 milliards du budget exécuté en 2013. De même, en euros courants la progression est nette. En réalité, il y a une légère baisse, qui avait été largement anticipée, mais loin de la diminution de 200 milliards annoncée par le Royaume-Uni et ses alliés ! Le point de sortie est à peu près ce que nous avions envisagé. A ces montants, il convient d’ajouter les 10 milliards hors budget du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation ou du Fonds de solidarité de l’Union européenne et les 27 milliards du Fonds européen de développement, soit 1 000 milliards au total.

La France a toujours analysé le chiffre global par rapport aux positions du Parlement européen. Aussi a-t-elle adopté une position médiane, autour de laquelle l’accord s’est réalisé.

Les crédits de la PAC ont diminué de manière importante d’une période à l’autre, mais la baisse est très limitée par rapport à 2013, car l’enveloppe n’avait cessé de baisser tout au long de la période. La France plaidait pour le maintien de ses retours sur le premier et le deuxième piliers. Le président Van Rompuy nous a très vite expliqué que sur les 5 milliards que nous demandions sur le premier pilier, nous ne recevrions que 800 millions pour la France. Afin d’éviter un problème avec les Britanniques, M. Van Rompuy a proposé une hausse de 800 millions sur le développement rural, en expliquant qu’un transfert au premier pilier était possible dans la limite de 15% des enveloppes. Après avoir analysé la négociabilité de notre position, et en jouant jusqu’au bout la carte du retour des crédits au titre du premier pilier, le président de la République a obtenu 2 milliards au titre du développement rural, qui compensent la baisse « faciale » des aides directes.

La négociation sur la politique de cohésion a été très compliquée. Les Allemands ont négocié beaucoup de cadeaux, notamment une enveloppe de 200 millions pour Leipzig, où Mme Merkel a fait ses études. Il fallait tenir compte de nombreux paramètres comme la règle du « capping » qui bloquait les montants pour certains États, l’existence de filets de sécurité évitant une baisse forte des crédits de certains pays, ou les cadeaux promis.

Notre priorité était de maintenir la catégorie des régions en transition (une cinquantaine, dont une dizaine en France), et de maintenir l’enveloppe destinée aux régions ultrapériphériques. Le maintien de l’enveloppe concernant les régions de transition semblant difficile, nous avons finalement obtenu des Allemands la création d’un fonds de lutte contre le chômage des jeunes, avec deux composantes de trois milliards, destiné aux régions où le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %, et non les 20% comme nous le souhaitions. En définitive, avec ce fonds, nos crédits sont à peu près stabilisés, même si nous devons affiner nos appréciations lorsque nous connaîtrons les chiffres du chômage pour 2012.

(…)

en réponse à une question sur le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation : il a été maintenu, malgré la volonté de Mme Merkel de le supprimer ; ses crédits ont été divisés par trois, mais le montant est hors plafond. La chancelière allemande critiquait aussi le Fonds d’aide alimentaire, le considérant comme un programme de générosité publique non justifié. Initialement fixés à 2,5 milliards, puis à un milliard, ses crédits sont repassés à 2,5 milliards dans la dernière demi-heure de négociation, à la demande du président de la République.

Quelles leçons tirer de cette négociation ? Dans une perspective européenne, elle ne répond ni à une véritable ambition, ni à une méthode efficace, car le budget devrait être la traduction d’une politique préalablement décidée lors d’une forme de débat d’orientation.

(…)

La discussion a porté essentiellement sur les soldes nets et les retours. L’affichage de soldes nets entraînait le développement d’une logique de retours, partant plus nationales qu’européennes. Celle-ci jouera tant que le budget sera financé par des contributions nationales. C’est pourquoi la France souhaite que l’on réserve la possibilité de créer des ressources propres. Les vraies questions n’ont pas été posées, sans doute est-ce la conséquence de la méthode de négociation et du pilotage…

En outre, l’oubli du Parlement a provoqué d’emblée les crispations perceptibles dans les interventions de son président, des présidents de groupes et de commissions, à tel point que le risque de rejet est réel, auquel cas les cadres financiers pluriannuels disparaîtraient, laissant la place à un cadre annuel où le Parlement aurait un petit peu plus de pouvoir.

Le Parlement peut aussi utiliser son pouvoir d’approbation comme un levier dans une nouvelle négociation, en attendant le vote prévu en mai. Le calendrier prévu plaide en ce sens. Il pourrait ainsi voter une résolution début mars, proposant une augmentation de certaines enveloppes, de l’ordre de 5 à 10 milliards, avant le Conseil européen de mars, qui devrait alors se prononcer. La position britannique sera déterminante, les autres pays semblant prêts à accepter une hausse des crédits – cette séquence a la préférence de la plupart des dirigeants.

Autre point : est-il raisonnable d’adopter, en période de crise, un cadre financier pour une durée de sept ans ? Le Parlement européen est partisan d’une clause de rendez-vous au bout de deux ou trois ans.

Tels étaient, sans langue de bois, quelques éléments sur cette négociation compliquée, pleine de crispations. L’accord a plusieurs défauts, mais un meilleur résultat était-il possible ? Dans ce contexte, le résultat est satisfaisant pour la France.

 

(…)

 

M. André Gattolin. – Vous avez tenu un discours courageux. Cette transparence manque souvent. Je suis atterré par la façon dont les choses se sont passées. Outre le président Van Rompuy, les chefs d’Etat ont aussi leur responsabilité puisqu’ils ont fait mine d’ignorer que, depuis le traité de Lisbonne, le budget devrait être approuvé par le Parlement européen. Je souhaite que ce dernier aille à la rupture, parce qu’on ne peut pas s’être battus pendant des années, avoir obtenu un traité, un compromis, pour se trouver pendant deux mandats tenus par un cadre financier. Le plus surréaliste réside néanmoins dans les 44 ou 45 clauses dérogatoires à ces accords.

Lorsque vous indiquez vouloir vous ouvrir à la société civile, peut-être faudrait-il commencer par les parlementaires. Lorsque j’ai été rapporteur du budget Horizon 2020, ma rencontre avec les représentants du SGAE n’a pas été une audition mais un briefing au cours duquel on m’a remis une feuille de route indiquant ce que l’on attendait de moi – je n’appartenais pas à la majorité de l’époque… Vous évoquez des notes aux parlementaires ; j’ai le plus grand mal à les recevoir directement. De plus, nous votons des résolutions sans savoir ce qu’elles deviennent. Il ne faudrait pas que l’exécutif national se comporte comme son équivalent européen, sinon vous aurez également une fronde des parlementaires nationaux.

J’ai eu un mal fou à obtenir des informations sur le traité de libre-échange avec le Canada. Les négociations sont menées au niveau européen dans des conditions obscures. C’est le ministère de l’économie et des finances canadien qui, via l’ambassadeur de ce pays, va m’en fournir.

Certains ont crié victoire à l’annonce du traité avec les Etats-Unis, alors qu’il réintroduit l’accord de commerce anti-contrefaçon, pourtant rejeté démocratiquement par le Parlement européen. C’est un texte fourre-tout des conséquences duquel nous n’avons aucune idée. Nous avons besoin d’énormément d’informations, faute de quoi nous aurons autant de mal que le Parlement de Strasbourg pour expliquer à quoi sert l’Europe.

 

Sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130211/europ.html