Parité: le Parlement impose une révolution tranquille

Texte de la tribune cosignée avec Michèle André parue ce jour sur le site HuffingtonPost

Nous sommes le 8 mars 2013 et toute l’Europe célèbre la « journée de la femme ». Toute l’Europe ? Non, car une portion de l’espace public européen résiste encore et toujours, plus que n’importe quelle autre, à la quête d’une véritable égalité entre les sexes : le club des dirigeants des grandes institutions financières.

En octobre dernier, alors qu’une nomination allait intervenir au sein du directoire de la Banque centrale européenne, nous avions soutenu avec près de 250 parlementaires nationaux italiens, espagnols ou allemands le souhait du Parlement européen d’envoyer une femme au sein de ce cénacle exclusivement masculin. Nos collègues de Strasbourg avaient voté une résolution s’opposant aux candidats luxembourgeois qui allait finalement obtenir le poste, nous avions de notre côté écrit au Président du Conseil européen et à nos Chefs d’Etats et de gouvernements, y compris au Président de la République, pour abonder dans leur sens. Nos efforts ne furent hélas pas couronnés de succès.

Au même moment pourtant, des préoccupations identiques et une logique similaire nous permirent d’obtenir une avancée majeure dans ce domaine, au niveau national. Au cours des débats au Sénat portant sur la création du Haut conseil des finances publiques, puis pendant la commission mixte paritaire qui s’en était suivie pour aplanir les différences entre les positions de l’Assemblée nationale et celle du Sénat, nous avions plaidé pour que la composition de cette nouvelle instance soit strictement paritaire. Le gouvernement et nombre de nos collègues parlementaires s’étaient d’abord montrés très dubitatifs, car le mode de nomination de ce Haut conseil, désigné par de multiples instances et dont la moitié devait être renouvelée à mi-mandat, rendait la chose techniquement compliquée. La discussion put même être vive entre ceux qui souhaitaient profiter de l’occasion pour franchir une nouvelle étape en faveur de la parité et ceux qui considéraient en toute bonne fois que la complexité du dispositif que nous envisagions était trop importante pour une institution de cette nature. Au final cependant, notre proposition fut retenue ; et depuis quelques jours les noms des premières et des premiers membres du Haut Conseil ont été rendus publics.

Il y a quelque chose d’ironique à ce que l’Europe ait été en cette occasion plus timorée qu’un Etat membre comme la France. L’égalité hommes-femmes figure en effet de longue date dans ses traités (article 2 du traité sur l’Union européenne, articles 3 et 157 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne) et s’appuie sur une indéniable volonté politique, y compris en matière de recrutement au sein des administrations. A l’inverse notre pays se montre souvent plus réservé que d’autres en la matière, même si d’importants progrès ont été réalisés. Européens engagés et féministes convaincus, nous nous félicitons donc que la France se soit résolument engagée dans cette démarche, prolongée depuis par la création de la Banque publique d’investissement dont le conseil d’administration est également paritaire. Certes, beaucoup considèreront qu’il n’y a en réalité que peu de liens entre l’Europe, les organismes financiers et la question de l’égalité entre les hommes et les femmes. Son importance est pourtant capitale : car aujourd’hui plus que jamais des organismes officiels au recrutement trop homogène sont promis à dépérir, par le mélange de manque de légitimité, de défaut de représentativité, et de conformisme intellectuel qui les caractérise alors.

En installant par la loi la parité au coeur de ses instances financières, la France procède à une espèce de révolution tranquille. Elle contribue, discrètement et pourtant de manière inédite, à fissurer et à briser les plafonds de verre qui y subsistent encore. Ses institutions deviennent mieux-disantes là où elles ont souvent été en retard sur beaucoup de ses voisins et partenaires. Nul doute que l’exemple qu’elle a offert à ces derniers pourra faire des émules, au niveau des Etats comme à celui de l’Union européenne elle-même, et rapprocher celle-ci de ses citoyens.

Michèle André, Première Vice-Présidente de la commission des finances, Sénatrice du Puy-de-Dôme (PS)
André Gattolin, Secrétaire de la commission des affaires européennes, Sénateur des Hauts-de-Seine (EELV)