Rapport LESCURE : quel est le cap?

Lundi 13 mai, ont été présentées les conclusions de la Mission Lescure posant « l’Acte II de l’exception culturelle ».

L’objectif affiché par la mission était de maintenir l’exception culturelle française et d’en adapter ses modalités à l’ère numérique. Malheureusement, les buts ne sont pas atteints et il est possible de constater l’absence d’imagination et d’ambition du rapport pour faire face à la révolution numérique.

 Certes il y a quelques avancées à saluer (réduction des prérogatives répressives de la Hadopi au profit de plus de prévention et de la volonté d’encourager les développement des offres légales ; petite amélioration et rationalisation de la chronologie des médias – notamment en faveur des offres payantes de la vidéo à la demande avec abonnement (SVOD) – ; certaines critiques légères du fonctionnement des société de perception et de répartition des droits (SPRD) mais sans action concrètes véritablement proposées…),mais force est de constater que la montagne (une mission de neuf mois !) a accouché d’une souris qui vise juste à adapter le pire de la situation antérieure à certaines situations déjà bien actuelles, mais sans vraie vision prospective ni véritable cohérence des 80 propositions faites.

Le rapport est un véritable patchwork de mesures qui n’affiche pas de cap clair et s’appuie partiellement sur des logiques anciennes voire dépassées. Au-delà des symboles comme la suppression de la suspension de l’accès à internet, la philosophie générale reste la même : on redonne au CSA les missions d’Hadhopi et on continue d’interdire le partage non-marchand.

L’approche du rapport sur la copie privée est symptomatique de cette indécision de la mission dont les orientations semblent avoir fluctué au gré de l’intervention des lobbys. D’un côté, on propose de « consolider » la rémunération pour copie privée, de l’autre on annonce son remplacement progressif par une taxe sur les appareils connectés.

Dans les faits, on a l’impression que la mission a cédé à la logique de « la boîte à outils ». Chacun trouve son bonheur dans « l’épicerie Lescure » surtout les rentiers côté auteurs. La contribution créative proposée par les écologistes est jugée irréaliste. Bref, la révolution numérique de la culture en France n’est pas prête d’avoir lieu ! Ce n’est pas un acte 2 de l’exception culturelle, mais un entracte…

 Côté taxe sur les téléphones intelligents et sur les tablettes, ça rejoint l’esprit de propositions écologistes qui préfère de manière générale l’instauration de taxe avec une « assiette large et des taux faibles ». Celle-ci est censée monter en puissance au fur et à mesure que la taxe sur la copie privée perd un rendement avec la baisse des copies et le développement de l’accès en flux direct (streaming…). Le chevauchement n’est pas très clair, la nouvelle taxe démarrerait « dans l’immédiat » et serait fusionnée à terme avec la copie privée en un prélèvement unique qui réparerait le préjudice de la copie et le reste.

Le gouvernement doit faire le choix clair de soutenir la création tout en libérant les internautes. Contrairement à ce qu’affirme le rapport, la légalisation du partage non-marchand et l’instauration d’une contribution créative sont des solutions crédibles à la transformation des usages et aux besoins de financement de la création.

Par ailleurs, on ne peut que regretter que le Parlement en général et le Sénat en particulier n’ait pas été véritablement associé au travail d’élaboration de cette mission, cela alors même que nombre des propositions relève de ses attributions législatives en matière de protection des libertés et fiscale notamment.