Européaniser les élections européennes – une première étape qu’il faudra enrichir

André Gattolin est intervenu au nom du Groupe écologiste lors de l’examen du projet de loi sur le droit d’éligibilité au Parlement européen des citoyens européens d’un autre Etat membre, ce jour.

La loi a été votée par le Sénat dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée : elle sera donc en vigueur pour les prochaines élections européennes. 

 

Monsieur le Président, Madame la ministre, Mes chers collègues,

C’est évidemment sans surprise que le Groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi.

Les élections européennes sont à nos yeux singulières parce que nous croyons fermement en la nécessité de rapprocher l’Europe de ses citoyens et de combler le déficit démocratique qui l’affaiblit encore ; entreprise dans laquelle ces élections ont – ou plutôt devraient avoir – un rôle tout particulier.

Cela a été rappelé déjà : depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, la participation n’a cessé de reculer, alors même que ses prérogatives progressaient et que, dans le même temps, les attentes et les critiques légitimes qui pouvaient être adressées à l’Union européenne ne cessaient de grandir.

On l’a vu encore récemment avec l’élaboration du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, le Parlement européen reste dans l’esprit de beaucoup – électeurs comme responsables publics – le parent pauvre des institutions européennes.

Dans le meilleur des cas, c’est un trublion qu’on laisse protester pendant quelques instants avant de le rappeler à l’ordre.

Dans ce contexte, toute mesure visant à faciliter la participation aux élections européennes et à les sortir du cadre hexagonal est la bienvenue.

C’est évidemment l’esprit de la directive que nous transposons aujourd’hui.

Il s’agit d’assouplir les formalités à remplir par les citoyens européens résidant en France et qui souhaiteraient se porter candidats dans l’Hexagone.

Cet assouplissement suffira-t-il à faire affluer davantage de candidats originaires d’autres Etats membres en France ?

Ils n’étaient au total que 15 en 2009, dont un seul a été élu – et encore est-il à lui seul un pan entier de notre histoire nationale

L’adoption de ce texte est donc une étape, qu’une petite étape, mais une étape à franchir d’abord et à enrichir par la suite.

Lors de l’examen de ce projet de loi par les Députés, nos collègues écologistes ont déposé deux amendements qui cherchaient à pousser plus loin cette logique. Nous n’avons pas souhaité les re-déposer afin de faciliter l’obtention d’un vote conforme de notre Haute assemblée, quelques mois seulement avant le renouvellement du Parlement européen. Il n’en est pas moins vrai qu’ils allaient dans le bon sens !

L’un proposait que puisse être indiqué, sur les bulletins de vote, le nom de la personnalité soutenue dans la course à la Présidence de la commission par les listes candidates aux élections européennes.

L’autre proposait que des partis politiques ne disposant d’un groupe qu’au sein du Parlement européen bénéficient du même temps d’antenne, dans le cadre de la campagne audiovisuelle, que les partis représentés par un groupe au sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

Inspirés par des propositions formulées par la Commission européenne et le Parlement européen, ces amendements visaient évidemment une plus grande politisation et une plus grande européanisation d’une campagne et d’institutions trop souvent perçues comme techniciennes et fréquemment instrumentalisées à des fins nationales.

Il serait bon que nous nous interrogions à nouveau, à l’avenir, plus en amont des élections européennes, sur ces propositions, même si celles-ci ont pour l’heure été repoussées.

Et il nous faut de toutes façons aller plus loin !

Oui, les élections européennes doivent être plus européennes encore. C’est pourquoi nous souhaitons que, lors des échéances post-2014, elles puissent en partie se faire sur des listes transnationales, pour lesquelles chaque électeur pourrait voter à travers l’Europe.

Oui, les élections européennes doivent être davantage débattues. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement ainsi qu’au CSA de veiller instamment, dans le respect de leurs prérogatives respectives et de la liberté de la presse, au relai efficace de la campagne qui s’ouvrira bientôt.

Les municipales ne doivent pas être les seules élections à être évoquées devant nos concitoyens en 2014.

Je précise que les écologistes ont accueilli avec soulagement la décision du gouvernement de revenir sur sa décision de dématérialiser les professions de foi pour les seules élections européennes, ce qui leur aurait donné officiellement un air d’élections de seconde zone, notamment lorsque nous constatons que ce scrutin mobilise déjà trop peu de nos compatriotes.

D’autant que des obstacles à la mobilisation demeurent, en dépit des avancées de ce projet de loi.

Je pense ici au fait qu’il existe non pas une, mais deux listes électorales complémentaires sur lesquels les citoyens communautaires doivent s’inscrire afin de participer aux élections municipales et aux élections européennes.

Deux listes, et donc deux formulaires à remplir, sachant qu’il arrive fréquemment aux agents des mairies de ne présenter spontanément qu’un seul de ces deux formulaires – celui qui concerne les municipales – aux citoyens européens souhaitant pouvoir se rendre aux urnes, qui se trouvent ainsi privés sans le réaliser immédiatement d’une partie de leur droit de vote.

J’ai adressé il y a plusieurs mois une question écrite au gouvernement sur ce sujet, afin de lui demander de rappeler à chaque Mairie l’importance de présenter ces deux formulaires ensemble aux personnes concernées. Je n’ai pas encore eu de réponse. J’aimerais, Monsieur le Ministre, que vous nous indiquiez où en sont les choses sur cet aspect spécifique de la question.

L’année 2013, qui a été déclarée « Année européenne des citoyens », est sur le point de s’achever.

Et nous ne pouvons qu’être frappés par la persistance des préjugés, des inquiétudes, des méconnaissances vis-à-vis de l’Union européenne.

Contre tout cela, c’est justement la revitalisation du projet européen qui serait rendue possible par une participation accrue aux élections européennes, par un débat plus profond et plus animé sur ces questions.

A nous, politiques et citoyens convaincus de la nécessité de poursuivre cette aventure, d’en démontrer tout l’intérêt et toute la vitalité.

Je vous remercie.