Pour que le débat entre candidats à la Présidence de la Commission européenne soit diffusé sur les antennes de France Télévisions

France Télévisions a annoncé son intention de ne pas diffuser sur ses antennes (uniquement sur son internet, dont l’audience est beaucoup plus limitée) le débat qui se tiendra entre l’ensemble des candidats à la Présidence de la Commission européenne le 15 mai prochain.  André Gattolin, Secrétaire de la commission des Affaires européennes du Sénat, et Jean-Vincent Placé, Président du Groupe écologiste, ont donc écrit ce jour au PDG de France Télévisions et au Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour inviter le groupe public à revenir sur cette non-diffusion. Voici les principaux éléments de leurs courriers.

« La désignation de candidats à la Présidence de la Commission européenne par leurs familles politiques respectives constitue un événement historique. Elle renvoie aux nouvelles dispositions du droit communautaire. Pour la première fois les Chefs d’Etats et de gouvernements devront tenir compte du résultat des élections européennes avant de faire
savoir au Parlement européen, qui pourra l’accepter ou le refuser, le nom de la personnalité à qui ils souhaitent confier la conduite de la prochaine Commission.

Ces candidats font ainsi figure de tête d’affiches à travers l’ensemble des pays de l’Union, et singulièrement en France. Ils sont empreints d’une responsabilité toute particulière et incarnent plus que tout autre aujourd’hui la dimension politique et citoyenne de la construction européenne. C’est principalement à eux qu’il incombe de présenter et défendre le projet sur lequel les partis politiques qui les soutiennent espèrent réunir les suffrages des électeurs. Pouvoir accéder à leurs propositions et les apprécier dans le cadre de discussions contradictoires, comme cela se fait pour chaque type d’élections, paraît donc tout à fait nécessaire.

Cette nécessité est d’autant plus grande s’agissant des questions européennes, que nos concitoyens se disent régulièrement mal informés sur les politiques communautaires et les institutions de l’Union, et se montrent particulièrement sévères à l’égard de son fonctionnement. À titre d’exemple, dans la dernière étude « Eurobaromètre standard », réalisée à l’automne dernier, 86% des personnes interrogées en France jugeaient que l’Union européenne avait besoin « d’un message plus clair ». 44% seulement semblaient savoir que les députés européens sont élus directement par les citoyens de chaque Etat membre. 47% se déclaraient insatisfaits du fonctionnement de la démocratie dans l’Union européenne, contre 41% à déclarer le contraire.

Plus récemment encore, l’Observatoire de la démocratie en France – baromètre réalisé par l’institut d’études Viavoice pour le compte de médias et cercles de réflexion – soulignait que l’amélioration de la démocratie en Europe passait notamment, aux yeux des personnes interrogées, par :

-une meilleure connaissance des institutions européennes (86% de
réponses)
-une meilleure connaissance du rôle de l’Europe en matière de politiques
publiques (85%)
-la recherche d’un sens donné au projet européen (81%)
-une meilleure connaissance des dirigeants européens (80%).

Au vu de ces éléments, la décision de France Télévisions nous paraît lourde de conséquences. Elle prive les Français d’un moment essentiel d’échanges et de débats, alors même qu’il correspond à une demande forte des électeurs et téléspectateurs. Elle accentue le « déficit démocratique » et le manque d’information citoyenne si souvent dénoncés, dès lors que l’on aborde des sujets européens. Elle semble même en contradiction avec les obligations de service public découlant du cahier des charges du  groupe, dont l’article 16 intitulé « L’Europe » indique notamment : « Dans le but de favoriser une meilleure compréhension du fonctionnement démocratique des institutions européennes, la société s’attache à évoquer les institutions européennes et notamment du Parlement européen ainsi que les réalisations, les innovations et les apports particuliers des différents pays de l’Union européenne. »

L’indépendance des médias, notamment en matière éditoriale, est une condition sine qua non du bon fonctionnement de la démocratie, mais il en va de même de leur sens des responsabilités. Sans réel accès à l’information, sans médiation de la parole publique, sans interpellation des personnalités politiques par leurs concurrents et par les citoyens eux-mêmes, c’est l’idée même de démocratie qui est mise à mal et sa vitalité qui est mise en danger. »

Rien ne saurait justifier le choix de France Télévisions de ne pas diffuser cet événement. Les citoyens méritent de pouvoir être informés et discuter sur l’Europe. Et l’Europe vaut bien un débat public et télévisé !