Service civique : On se reconnaît mieux dans les valeurs de la République quand on perçoit que celle-ci nous reconnaît

André Gattolin est intervenu, ce 5 mars 2015 en séance publique, dans la discussion générale sur le service civique. Le groupe écologiste propose de renoncer à la réserve parlementaire pour financer un éventuel service civique obligatoire. Retrouvez ci-dessous le texte de son intervention (seul le prononcé fait foi).

« Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe CRC d’avoir proposé
ce débat sur le service civil afin que nous puissions discuter et
confronter nos idées sur ce sujet ô combien important et au cœur de
l’actualité récente.

Nous avons ainsi l’occasion de faire mentir Martin Hirsch, le père du
service civil, qui, dans une récente tribune parue dans Le Monde,
écrivait : « le service civique souffre d’un seul défaut, mais un défaut
rédhibitoire : susciter plus d’indifférence que de passion. »

Les dernières semaines ont été riches en propositions de toute nature sur
les valeurs et l’engagement que nous souhaitons offrir à aux jeunes
français de toute origine et toute confession au travers de ce service
civil.

Pas plus tard qu’hier matin, le président de la République proposait que
les élèves de l’ENA en soient chargés de l’administration.

Depuis la suppression du service militaire en 1997, le caractère
obligatoire ou facultatif du service civique a toujours été au cœur des
débats, tant lors de la création du service civil volontaire par la loi du
31 mars 2006 pour l’égalité des chances, qu’en 2010 à l’occasion des
débats sur la loi instaurant l’actuel service civique.

Sans revenir sur le rôle historique qu’a pu jouer le service militaire, je
pense qu’il faut entendre ceux qui regrettent les effets bénéfiques de la
conscription transposables à un service civil obligatoire, c’est-à-dire le
suivi sanitaire de toute une classe d’âge, l’alphabétisation et le
rattrapage scolaire qu’il permet à un moment de la vie où cela est encore
assez facile à mettre en œuvre, la formation professionnelle qu’il peut
procurer aux jeunes des milieux les moins favorisés, sans parler du
principe d’égalité qu’il établit entre les appelés ou encore du salutaire
brassage culturel et social qu’il produit à un moment clé de la
sociabilisation de chacun.
Je n’oublie pas aussi les aspects négatifs du service militaire auquel a
heureusement échappé le service civique en rappelant par exemple
l’exclusion des filles, la place importante de l’arbitraire et des
privations de liberté dans son fonctionnement. Sans parler du maniement,
certes contrôlé, mais prépondérant des armes à l’heure où celles-ci
tendent à circuler bien trop librement dans notre société.
Mais aujourd’hui, nous savons que nous n’avons pas les moyens d’une prise
en charge annuelle de 700.000 jeunes en hébergement collectif avec un
encadrement permanent.
Bye, bye donc l’universalité du service civil !
Alors, devant le succès que connait le service civique volontaire,
n’est-il pas préférable de chercher à perfectionner le dispositif avant de
penser à le rendre obligatoire ?

Les 7 millions de jeunes de 16 à 25 ans nous invitent à nous poser de
nombreuses questions :
– Quel est l’âge convenable à retenir pour effectuer ce service civique ?
Dans notre système scolaire et d’enseignement supérieur, toute
interruption de scolarité est pénalisante. Il faut remédier à cette
contrainte.
– Quelle en est aussi la durée idéale ?
Les associations accueillant les volontaires apprécient cet appui, mais
disent toutes qu’il ne devient efficace qu’après une période d’intégration
et de formation.

Le pire serait de vouloir faire du chiffre en réduisant le temps des
missions.

Si des structures importantes sont sollicitées, comme les hôpitaux, il
faudra penser à un encadrement dédié.

– Quelle est la bonne gouvernance en terme de choix des affectations pour
qu’à la diversité des missions ne correspondent pas les phénomènes de
sélection sociale, voire culturelle qui se produisent pour les stages ?

– Comment éviter les dérives afin que le service civique ne soit pas
utilisé en lieu et place de stages ou d’emplois salariés ?

Comme je le disais au début de mon intervention, les propositions faites
hier par François Hollande répondent heureusement à une partie de ces
interrogations.

En effet, le président de la République indiquait vouloir réaffirmer  « un
principe » : « Tout jeune de 18 à 25 ans qui aspire à effectuer un service
civique pourra le faire. »
Ce service durera six à huit mois et sera consacré à une « mission
d’intérêt général » .
Le jeune « percevra une indemnité de 470 euros ».

Je ne peux que saluer les propos du président.
Mais pour qu’ils deviennent réalité il faut apporter au service civique
plus de moyens financiers.
Le constat est clair, en 2014, près de 3/4 des demandes de participation à
ce service ont été refusées.
Avec désormais 170 millions d’euros en 2015 pour 40.000 volontaires, le
dispositif monte en puissance, mais il semble difficile en l’état
d’atteindre 100.000 bénéficiaires.

Les crédits destinés à la jeunesse ne peuvent être l’unique source de
financement.

Et, puisque la jeunesse est une priorité, il conviendrait que chaque
ministère concerné par les champs d’intervention, apporte sa juste
contribution: éducation, santé, justice, sport…

Le dernier rapport de François Chérèque évoquait la mobilisation de fonds
privés.

C’est, pour les écologistes, une option à risques multiples, à commencer
par l’altération de l’esprit du service civique en faveur de l’intérêt
public.

En revanche, tout comme le Sénat prit, en 2010, l’initiative de la loi
instaurant le service civique, notre groupe propose que le Parlement
renonce à la réserve parlementaire, en orientant les plus de 140 millions
d’euros récupérés chaque année vers le service civique.
La réserve parlementaire, qui jusqu’ici permet le financement
d’associations ou de collectivités, continuerait de jouer pleinement son
rôle de soutien, sans financement direct des différentes structures ;

… Elle permettrait à plus de jeunes de pouvoir y effectuer leur service
civique, et de leur apporter des aides pour faciliter leur hébergement ou
leur transport, afin d’éviter les discriminations.

Un service civique obligatoire ou accessible à tous ceux qui le veulent,
demande aussi la consultation de nombreux acteurs de terrain.
Une mise en œuvre précipitée dans des conditions bancales aurait des
effets contraires aux buts poursuivis.
Que nous n’ayons pas les moyens de le rendre obligatoire pose le problème
des plus éloignés de la République qui ne seront pas les premiers
volontaires pour cet engagement.

A nous de trouver, avec eux, des missions qui les motivent.
Pensons aux préconisations du collectif « Pas sans nous ».
Le chômage des jeunes (25% !), les inégalités et les discriminations sont
le moteur de replis ou d’engagements inspirés par des idéologies
extrémistes.
N’oublions pas que l’on se reconnaît mieux dans les valeurs de la
République quand on perçoit que celle-ci nous reconnaît.

Le service civique volontaire doit être un temps de mixité, une belle
aventure d’effort, de découverte, de satisfaction d’avoir contribué à
l’intérêt général.

C’est ainsi, à notre sens, que la République et surtout celles et ceux à
qui elle donnera cette opportunité en sortiront véritablement grandis.

Je vous remercie. »