[Le JDD.fr] « Pourquoi s’arrache-t-on l’Arctique? »

Article paru sur le site du JDD.fr grâce au clavier de Thomas Liabot – leJDD.fr

A l’image de la Russie qui a réaffirmé ses ambitions cette semaine, les pays riverains de l’océan Arctique revendiquent depuis des décennies l’exploitation de ses richesses. Hydrocarbures, minerais et fonte des glaces représentent des enjeux économiques majeurs.

Après d’importantes manœuvres militaires, la Russie a revendiqué mardi devant les Nations unies sa souveraineté sur plus d’un million de kilomètres carrés dans l’Arctique. Une nouvelle étape dans la confrontation que Moscou livre depuis des décennies aux cinq autres pays riverains : Etats-Unis, Canada, Danemark, Islande et Norvège. Le pôle Nord abrite en effet des ressources majeures en hydrocarbures et minerais. Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, il pourrait aussi révéler de nouvelles zones de pêches et ouvrir des routes maritimes jusqu’ici inexploitées.

Des réserves pétrolières et gazières

Les ambitions russes sur l’Arctique peuvent permettre à Moscou de mettre la main sur des réserves gigantesques de pétrole et de gaz. Selon le gouvernement, ces réserves d’hydrocarbures s’élèvent à 4,9 milliards de tonnes. Une étude américaine de 2008 estime que 13% du pétrole et 30% du gaz non-découverts dans le monde se cachent dans le sous-sol du Pôle Nord. « La fonte des glaciers dans l’Arctique met à nu une mer nouvelle et vulnérable, mais certains pays comme la Russie et la Norvège veulent la transformer en future Arabie saoudite. A moins d’agir, cette région pourrait se voir remplie de plateformes pétrolières », notait mardi Greenpeace dans un communiqué alarmant.

Mais l’exploitation des ressources est soumise à des conditions climatiques extrêmes. Le froid et les distances rendent l’extraction complexe. Le risque d’une catastrophe similaire à celle de la plateforme offshore de BP dans le Golfe du Mexique n’est pas non-plus négligeable, surtout quand les coûts d’exploitations sont démultipliés. Le prix du baril (autour de 45 dollars en ce moment) n’encourage pas pour l’heure ce genre d’investissements.

Zinc, fer et or

On estime que l’Arctique regorge de zinc, de fer, d’or et de plomb notamment. On y trouve aussi des terres rares, très en vogue actuellement pour la conception de smartphones ou d’ordinateurs. Là encore, la question du coût d’extraction reste un frein majeur. L’exploitation de ces zones hostiles demanderait la mise en place d’infrastructures très coûteuses et la question de l’impact environnemental de ces exploitations se pose.

De nouvelles routes maritimes?

Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces qui en résulte, de nouvelles routes maritimes pour le commerce pourraient voir le jour pendant l’été dès 2050, selon certaines études scientifiques. Il y a deux ans, un navire marchand chinois avait rallié l’Europe grâce à un raccourci polaire, le premier d’une longue série, espèrent les pays riverains. Cette nouvelle route pourrait, à terme, concurrencer les canaux de Panama et de Suez. « Rapprochant » les océans Atlantique et Pacifique, cette route du Nord permettrait des économies de carburant non-négligeables avec un gain de temps de quinze jours environ sur les routes traditionnelles.

Un nouvel eldorado pour la pêche?

La fonte des glaces et l’accès de plus en plus fréquent des navires peuvent avoir des conséquences sur l’économie de la pêche. Face à l’absence de réglementation internationale, les pays riverains ont donc signé mi-juillet à Oslo un accord pour empêcher la pêche « non-réglementée » dans la partie internationale de l’océan Arctique. Le ministre norvégien de la Pêche avait estimé qu’elle restait néanmoins « improbable » dans ces zones à l’heure actuelle.

Un rapport de 2014 du sénateur André Gattolin était du même avis. « Les limites de la connaissance ne nous permettent pas de savoir s’il existe un stock exploitable prouvé dans l’océan Arctique ou de stock économiquement rentable », écrit-il. Comme pour les hydrocarbures ou les minerais, la question de la pérennité des exploitations se pose donc, tout comme l’existence réelle des immenses réserves évoquées. « Dans une région éloignée des infrastructures de pêche et des principaux marchés de consommation, il y a donc peu de chances de voir se développer une pêche commerciale. »