Budget 2016 : Défense des associations de surveillance de la qualité de l’air

AASQA

Un amendement au projet de loi de finances pour 2016, déposé par André Gattolin, a été adopté ce mardi par le Sénat. Loin d’être anodin, il participte d’une démarche soutenue à la fois par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, et par les industriels concernés. Ci-dessous l’extrait concerné du compte-rendu de la séance publique du 24 novembre.

M. le président:
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° I–335.

M. André Gattolin:
Cet amendement vise à préciser les modalités de financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, également appelées AASQA, par les industriels exploitant des installations polluantes.
En effet, en vertu de l’article 266 decies du code des douanes, ces industriels peuvent déduire leur contribution aux AASQA de leurs cotisations de TGAP au titre de leurs installations polluantes, soit dans la limite de 171 000 euros, soit à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues. Jusqu’à présent, les industriels choisissaient un de ces deux régimes de déductibilité indépendamment pour chacune de leurs installations.
Toutefois, par une circulaire datée du 3 avril 2015, l’administration fiscale a restreint l’interprétation de l’article 266 decies du code des douanes. Elle impose désormais à l’industriel d’appliquer le même régime de déductibilité à l’ensemble de ses installations.
Cette modification des règles en usage pose un réel problème, aussi bien aux AASQA qu’aux industriels concernés. En effet, l’esprit de cette déduction consiste à établir un lien concret et un dialogue local entre l’installation polluante et l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en charge du territoire concerné. En déplaçant les décisions au niveau national, la circulaire concourt à fragiliser les liens territoriaux indispensables à la gouvernance de la qualité de l’air, à s’éloigner du principe pollueur-payeur et, ce faisant, à déresponsabiliser les établissements polluants. En outre, la fixation des règles de déductibilité par une circulaire est source d’insécurité juridique, peu propice à un engagement pérenne des industriels dans le financement de la surveillance.
Le présent amendement vise donc à préciser l’article 266 decies du code des douanes, en y inscrivant la pratique en vigueur avant la publication de la circulaire, c’est-à-dire la possibilité, pour l’industriel, de choisir l’un ou l’autre des deux régimes de déductibilité pour chacune de ses installations. Cette démarche est soutenue à la fois par les AASQA et par les industriels concernés.
Si cet amendement devait être formellement gagé, les scenarii qui se traduiraient par une augmentation générale du volume des déductions de TGAP sont, à mon sens, très improbables.

M. le président:
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances:
Le Sénat entier vibre pour ces amendements !
Ces amendements visent à revenir à la situation antérieure à la publication de la circulaire du 3 avril 2015, en offrant une possibilité de choix aux industriels qui me paraît bienvenue. On ne comprend d’ailleurs pas très bien pourquoi cette circulaire a apporté cette restriction.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président:
Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État:
Ces amendements visent concrètement à augmenter les financements de nature fiscale destinés aux AASQA pour compenser l’évolution de leurs ressources budgétaires. Autrement dit, vous proposez que l’État reperde l’effort d’économies qu’il a obtenu par la réduction des ressources budgétaires, en le privant d’une partie de la TGAP qu’il perçoit aujourd’hui. Ce serait évidemment un contournement des règles de bon fonctionnement budgétaire de l’État. Le Gouvernement ne peut donc qu’émettre un avis défavorable.

M. le président:
La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin:
J’aimerais que l’on me présente une étude d’impact, car le système fonctionnait très bien auparavant. Je ne vois pas en quoi le retour à la situation antérieure diminuerait considérablement le produit de la TGAP et, si tel était le cas, je voudrais que l’on me le prouve. J’ai surtout le sentiment que Georges Courteline est descendu de sa butte Montmartre pour s’installer dans les bureaux de l’administration fiscale à Bercy !
Ce changement s’est produit après la décision d’imposer aux industriels une déclaration en ligne : la possibilité d’option a alors disparu et, dans les semaines qui ont suivi, une circulaire a été publiée pour « régulariser » la modification introduite par le biais du formulaire de déclaration en ligne. Je suis plutôt favorable à la numérisation et à la dématérialisation, mais les changements dénoncés ont été antérieurs à la parution de la circulaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez vous renseigner auprès de vos services, je pense qu’ils auront l’honnêteté de reconnaître que ma version correspond au déroulement réel des événements : création d’une déclaration en ligne qui supprime la possibilité d’option – de quel droit ? Quels arguments justifient cette interprétation ? –, suivie de la publication d’une circulaire qui valide le fait accompli.
Vous êtes mathématicien, monsieur le secrétaire d’État ; quant à moi, je suis statisticien, et je me suis amusé à faire quelques modélisations : je ne vois pas en quoi le rétablissement de la possibilité d’option, compte tenu du nombre d’acteurs en présence, affaiblirait les ressources que l’État tire de la TGAP.

M. le président:
Je mets aux voix les amendements identiques nos I–132 rectifié ter, I–276 rectifié et I–335.
(Les amendements sont adoptés.)