Exonérations et dégrèvements : Pour une redevance plus juste

Un quart des foyers exonérés de Contribution à l’Audiovisuel Public abonnés à une offre de télévision payante : c’est le constat d’André Gattolin, qui souhaite remettre à plat les critères d’exonérations de la CAP, qui pour certains sont peu compréhensibles, avant l’instauration d’un prélèvement universel à l’allemande préconisée par le rapport Gattolin-Leleux.

Ci-dessous le texte de son intervention, le 27 novembre à la tribune du Sénat dans la discussion de la mission exonérations et dégrèvements du PLF 2016.

« Madame la présidente, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,

La mission « Remboursements et dégrèvements » est une mission assez atypique au sein du budget de l’État, dans la mesure où ses dépenses viennent en fait en atténuation des recettes. Elle est aussi la plus importante du budget général.

Dans le temps qui m’est ici dévolu, je voudrais attirer votre attention sur une dépense assez marginale de cette mission : les dégrèvements et exonérations de la Contribution à l’Audiovisuel Public.

Celle-ci est marginale au sein du budget global à la mission, car elle ne représente que 513,8 millions d’euros parmi les 100 milliards d’euros de crédits prévus pour l’exercice 2016. Mais elle est néanmoins capitale pour les sociétés de l’audiovisuel public, car cette dépense fiscale représente environ 14 % des près de 3,7 milliards de CAP qui leur sont affectés.

Ces dégrèvements, justifiés dans le cas de foyers à très faibles revenus ou comportant une personne handicapée, reposent néanmoins sur un empilement successif de dispositions dérogatoires, pour certaines peu compréhensibles, qui contribuent à battre en brèche la logique même de redevance.

L’audiovisuel public français connait une crise majeure de son modèle de financement. Dans un rapport récent du Sénat consacré à ce sujet, j’en appelle, avec Jean-Pierre Leleux, à une réforme d’ampleur destinée à garantir la stabilité de ses ressources à moyen et long terme.

Baisse du taux d’équipement en téléviseurs oblige, nous avons notamment proposé d’instaurer une contribution universelle à l’allemande à l’horizon 2018. Celle-ci aurait l’avantage d’augmenter d’un million le nombre de foyers redevables de la CAP.

Ce serait en effet une bonne chose pour les sociétés de l’audiovisuel public, mais cela aurait pour incidence d’augmenter d’environ 60 millions les compensations pour exonération de la CAP versées par le budget général, car près de la moitié des nouveaux redevables répondraient aux critères actuels d’exonération !

Or certains de ces critères sont obsolètes et ne correspondent plus à des critères économiques et sociaux légitimes. Sur cette base, ce sont actuellement déjà plus de 4,1 millions de foyers qui sont totalement exonérés de la CAP. Il est donc indispensable de remettre à plat ces critères d’exonération.

Ainsi, parmi les quelques 28 millions de foyers français, plus de 12,5 millions d’entre eux s’acquittent mensuellement d’un abonnement à une ou plusieurs chaines des télévision payantes. Et d’après nos estimations, au moins le quart des foyers exonérés souscrivent par ailleurs à un abonnement à une offre payante pour un montant annuel bien supérieur à celui de la CAP qui équivaut à 11,33 euros mensuels.

Ainsi le prix de l’abonnement a la plus connue et la plus populaire de nos chaînes à péage est 40€ par mois. Celui de la chaîne sportive payante la plus en vue est de 12,99 euros par mois.

C’est pourquoi, Monsieur le ministre, je souhaiterais que vos services et ceux du ministère de la culture fasse rapidement réaliser une étude sur les dépenses en télévision payante des foyers exonérés de CAP, afin de pouvoir sereinement et équitablement décider des mesures à mettre en œuvre pour corriger cette situation assez anormale à mon sens.

Je vous remercie. »