Budget 2016 : Pourquoi la suppression de la carte d’électeur est une mauvaise idée

Ce 1er décembre, j’intervenais en séance publique pour promouvoir un financement équitable des partis politiques et expliquer les raisons de l’opposition du groupe écologiste à la dématérialisation du matériel électoral. Ci-dessous le prononcé de cette énième intervention dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, ici sur la mission budgétaire « Administration générale et territoriale de l’Etat » :

« Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

Le budget de cette mission est au cœur de l’actualité. Il est en effet impacté par la poursuite du plan de lutte contre le terrorisme et par la modification de la carte des régions.
En matière de sécurité intérieure, je profite des efforts qui vont être menés en matière de sécurisation des réseaux du ministère de l’intérieur pour insister à nouveau sur la nécessité de renforcer la protection des sites internet des préfectures.
Je rappelle que durant l’été 2011 une dizaine de sites de préfecture ont fait l’objet d’attaques informatiques. Leurs conséquences ont alors été relativement limitées mais, avec le développement de l’e-administration, quelles seront-elles demain si ce type d’attaque venaient à se reproduire ?
Concernant la refonte de la carte des régions, cette réforme était nécessaire, mais les conditions de son application laissent encore à désirer. A moins d’une semaine du premier tour des élections régionales, bien des effets concrets de ce redécoupage sont encore mal connus.
Dans ce cadre assez nouveau, le rôle des préfets sera très important, surtout dans les régions qui seraient dirigées par des élus ayant une conception des plus restrictives de la notion d’égalité des citoyens devant la loi.

Mais il y a aussi d’importantes réflexions à mener sur le programme 232 « vie politique, cultuelle et associative ».
En 2015, le budget consacré à l’organisation des élections s’est élevé à 361 millions d’euros ; une somme conséquente mais une somme indispensable au bon fonctionnement de notre vie démocratique.
Vouloir diminuer ce budget en dématérialisant la propagande électorale comme le propose le rapporteur spécial, Hervé Marseille, dans un récent rapport, c’est à mon sens faire peu de cas de la fracture numérique qui perdure dans notre pays.
Il n’y a pas seulement un problème d’équipement et de sécurisation des données personnelles, il y a aussi un problème d’accès équitable à l’information et à la propagande électorale. En cas de dématérialisation, il faudra aller chercher l’information dans la jungle de l’Internet (logique du « pull »), là où on était en logique d’envoi universel et égalitaire du matériel électoral au domicile de chaque électeur (logique du « push »).
Une fois de plus, si nous suivons les recommandations du rapporteur, nous risquons fort d’éloigner un peu plus le citoyen de l’engagement électoral. Les Français ne déserteront plus les urnes seulement par rancœur mais aussi par manque croissant d’information.
En revanche, les écologistes sont eux favorables à une vraie réforme du financement public des partis.
Comme vous le savez, une fraction importante de ce soutien financier est calculée sur la base du nombre de voix obtenues au premier tour des élections législatives. Or ce critère de calcul est très discutable et même profondément injuste car il n’intègre pas les résultats des élections intermédiaires entre chaque élections législatives.
Paradoxalement, plus l’abstention est forte aux législatives, plus l’Etat y trouve son compte en faisant des économies !
Je conclurai mon propos, mes chers collègues, en rappelant que l’abstention aux législatives a progressé de plus de 20 points en 30 ans et que l’inversion du calendrier électoral a accru la bipolarisation des votes et donc la diminution du financement public dévolu aux petites et moyennes formations politiques qui font aussi, je le rappelle, la richesse de notre vie démocratique.

Je vous remercie. »