Budget 2016 : intervention sur la mission « Outre-mer »

« Madame la présidente, Madame la ministre, Chers collègues hexagonaux et ultramarins,

J’interviens en lieu et place de ma collègue Aline Archimbaud, qui n’a pu être présente en raison du retard pris dans nos débats. Je vous prie de bien vouloir l’en excuser.

Le budget de cette mission pour 2016 est globalement stable sur deux grands axes essentiels : aide à l’investissement et politiques de l’emploi.

Cependant, la situation sociale et économique de ces territoires est, comme les travaux en commission des affaires sociales ont permis de le rappeler, préoccupante à plusieurs titres.

D’abord, l’accès à la santé est très inégal, et les écarts se creusent entre l’outre-mer et l’Hexagone, ainsi que l’a souligné la Cour des comptes en 2014. À cet égard, madame la ministre, je m’interroge sur la date de sortie du décret limitant le taux de sucre dans les produits fabriqués en outre-mer, qui est attendu de longue date. Qu’en est-il ? Vous le savez, la prévalence du surpoids, de l’obésité et du diabète dans les populations ultramarines est plus élevée que dans l’Hexagone, notamment chez les femmes et les enfants.

Sur le plan du développement économique, ensuite, la situation est difficile. Les taux de chômage sont très élevés, celui des jeunes dépassant 50 % dans la plupart des territoires. Le coût de la vie est bien plus important qu’en métropole, en raison de l’insularité et de l’isolement de beaucoup de ces territoires, et les balances commerciales des départements d’outre-mer sont déséquilibrées. En 2011, le total des soldes de la balance commerciale de chaque département d’outre-mer représentait un déficit de plus de 10 milliards d’euros !

À cet égard, les mesures prises pour le développement économique et pour l’emploi en outre-mer sont les bienvenues, mais ne répondent que partiellement à ces défis très préoccupants.

Les écologistes souhaiteraient que l’aide à l’investissement soit beaucoup plus nettement, beaucoup plus fortement, et avec beaucoup plus de volontarisme, orientée sur deux secteurs.

Premièrement, il conviendrait d’encourager et de dynamiser l’ouverture des marchés locaux aux produits locaux, afin de leur offrir davantage de débouchés de proximité. Il s’agirait donc de promouvoir les filières courtes en matière d’agriculture, de pêche, d’aquaculture ou de valorisation de la forêt, par exemple. Une telle évolution serait source d’emplois durables dans de nombreuses filières comme les énergies renouvelables, l’écotourisme, les services aux personnes. Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il agir dans ce domaine, et comment ?

Deuxièmement, nous devrions tirer profit du fait que ces territoires bénéficient d’une biodiversité marine et terrestre souvent exceptionnelle, laquelle peut être une source durable d’emploi et d’activité économique, mais QUI reste très fragile. Il faut donc la protéger.

Je souhaiterais à ce sujet dire un mot sur l’utilisation de produits chimiques, notamment dans les cultures.

Malgré le lancement du plan Écophyto ? en 2008, les Français sont non seulement toujours dans le duo de tête des plus grands consommateurs de pesticides en Europe, mais la consommation a augmenté en moyenne de 5 % par an entre 2009 et 2013. Les territoires ultramarins ne sont pas épargnés, loin de là : les Antilles consomment, par exemple, trois fois plus de pesticides par unité de surface qu’en métropole.

Nous espérons que le plan Écophyto II, présenté à la fin du mois d’octobre 2015, et qui fixe des objectifs de réduction des pesticides de 50 % à dix ans, sera plus efficace.

L’utilisation massive de ces produits chimiques est source de problèmes sanitaires et environnementaux, à court, moyen et long terme. On connaît les effets catastrophiques, encore aujourd’hui, du chlordécone, pourtant interdit voilà plus de vingt ans. Non content d’être cancérigène, perturbateur endocrinien et neurotoxique, ce pesticide a de surcroît entraîné une pollution des sols et des eaux aux conséquences dramatiques sur l’agriculture, l’élevage, la chasse et la pêche locale, et ce pour plusieurs siècles si nous ne faisons rien.

Maladie de Parkinson, cancer de la prostate, fausses couches, malformations congénitales, leucémies, tumeurs cérébrales : la liste des troubles présumés liés aux pesticides est longue, et doit appeler les responsables politiques à la plus grande vigilance.

Il est urgent que l’État mette les moyens pour trouver des substituts à ces produits hautement nocifs à tous les niveaux, et investisse dans la recherche sur ces sujets. Madame la ministre, quelle action le Gouvernement envisage-t-il en la matière ?

Enfin, je souhaite parler plus spécifiquement de la Guyane. Ma collègue Aline Archimbaud a eu l’occasion de travailler ces derniers mois sur les problématiques socio-économiques de ce département à l’occasion d’une mission parlementaire, dont les conclusions seront rendues publiques très prochainement.

La situation sur place est malheureusement très difficile pour beaucoup de Guyanais. Or le budget de ce département est en baisse ! Je constate qu’ont été prévues des mesures pour lutter contre l’orpaillage illégal ou pour développer l’accès aux équipements scolaires en faveur d’un nombre d’élèves en forte augmentation d’année en année. C’est une bonne chose, mais, madame la ministre, pourquoi ce budget est-il en baisse ? Il faut trouver un moyen de rattraper cet écart qui n’est pas logique, compte tenu des difficultés rencontrées par la Guyane.

En conclusion, je constate au nom de mon groupe que, si les mesures prises ne sont pas mauvaises, elles sont encore insuffisantes. J’espère que nous serons entendus sur les deux séries de propositions que nous faisons et, forts de cet espoir, nous voterons ce budget.

Je vous remercie. »