Proposition de résolution : Protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle

Intervention en séance publique, le 18 mai 2016 :

« Le comité de Bâle, en charge de la modernisation des règles internationales en matière de contrôle prudentiel, a vu son rôle s’accroître avec la crise de 2008.

 

Constatant que la faiblesse des liquidités et des fonds propres avaient catalysé la contagion des défauts, les accords de Bâle III ont renforcé, en 2010, les ratios exigibles des banques.

Les discussions du comité se poursuivent depuis avec régularité, et le bruit court aujourd’hui que de nouvelles contraintes prudentielles seraient à l’étude.

 

 

Malheureusement, l’opacité qui préside à ces travaux – par ailleurs très techniques – nous force à nous contenter de rumeurs, qui en l’occurrence évoquent un nouveau renforcement des fonds propres, pour mieux couvrir les prêts de long terme à taux fixe.

 

En effet, les banques qui les engagent sur la base actuelle de taux très bas prennent un risque substantiel, en cas de remontée des taux plus ou moins rapide.

 

Augmenter les capitaux propres associés permettrait donc aux banques de mieux se prémunir contre ce risque.

 

Une telle mesure affecterait particulièrement les banques françaises, dont les crédits immobiliers sont très majoritairement à taux fixe.

 

Il n’en fallait pas moins pour susciter une offensive du puissant lobby bancaire français, suivi de près par les non moins puissants acteurs de l’immobilier (promoteurs, constructeurs et agences).

 

La présente résolution me semble s’inscrire en relais politique de ce discours.

 

Il consiste d’abord à rappeler les trois spécificités du modèle français de crédit immobilier, par rapport au modèle anglo-saxon :

  • des taux fixes, qui protègent les ménages du risque de volatilité des marchés ;
  • des critères d’éligibilité fondés sur la solvabilité de l’emprunteur, et non pas sur la valeur du bien acquis ;
  • une garantie par le cautionnement, plutôt que par l’hypothè

 

Il faut reconnaître que si ce modèle français avait prévalu aux Etats-Unis en 2007, cela nous aurait probablement épargné la crise des « subprimes » et toutes ses désastreuses conséquences en chaîne.

 

Ces caractéristiques du système français doivent absolument être préservées : nous rejoignons tout à fait la résolution sur ce point.

 

En revanche, en tirer la conclusion que toute nouvelle exigence de fonds propres conduirait à un inexorable renchérissement du coût pour l’emprunteur, puis à la destruction pure et simple de ce modèle, est beaucoup plus discutable.

 

D’abord, les banques françaises possédaient, fin février, l’encours conséquent de 868 milliards d’euros de crédits immobiliers, dont l’essentiel est à taux fixe.

Malgré les caractéristiques sécurisantes du système français, il n’est donc pas interdit de s’interroger, compte tenu du niveau des taux aujourd’hui, sur les conséquences de leur éventuelle remontée.

 

D’autant plus que les banques françaises ont une responsabilité directe dans la faiblesse actuelle des taux.

Elles se livrent entre elles une féroce concurrence à la baisse, se servant des crédits immobiliers comme de produits d’appel pour fidéliser la clientèle.

 

Les établissements se rattrapent ensuite sur le coût de l’assurance ainsi que sur tous les frais courants exorbitants – les clients ayant souvent tendance à domicilier leur compte dans la même banque que leur prêt.

 

A conjoncture identique, on pourrait donc déjà relever légèrement les taux immobiliers en baissant les coûts annexes du crédit, dans une opération relativement neutre pour les consommateurs.

Cela permettrait de commencer à amoindrir le risque et il ne tient pour cela qu’aux banques françaises de changer leurs pratiques commerciales.

 

Mais le véritable problème est en fait ailleurs : renforcer le capital des banques diminue mécaniquement leur rentabilité, et donc leur cours boursier, sur lequel sont indexées les stock-options des dirigeants.

 

En effet, les banques pourraient très bien augmenter encore un peu leur capital, sans avoir à faire voler en éclats notre système de crédit immobilier.

Il suffirait tout simplement de distribuer un peu moins de résultat aux actionnaires…

 

Or, Hyun Song Shin, le chef économiste de la Banque des règlements internationaux (BRI), vient justement de dénoncer, le 7 avril dernier, la trop généreuse politique de dividendes des banques européennes, qui nuit selon lui à l’économie.

 

Etudiant un échantillon de 90 banques européennes entre 2007 et 2014, il montre que leurs dividendes se sont élevés à 75% de leur mise en réserve, alors même que la crise aurait pu inciter à la retenue.

Pour les banques françaises, qui sont les plus rémunératrices de l’échantillon, les dividendes atteignent même 173% de la mise en réserve !

 

Mes chers collègues, notre modèle de crédit immobilier ne doit pas servir ici d’alibi au regrettable choix d’affectation du résultat des banques, notamment françaises, et dont toute notre économie pâtit.

 

Nous ne souscrivons donc pas à cette part du raisonnement de la résolution, lui préférant le commentaire, à ce propos, du Gouverneur de la Banque de France devant notre commission – je cite : « les banques françaises sont parfois un peu trop promptes à lancer des alertes… »

 

Néanmoins, parce que nous partageons le plaidoyer pour le système français de crédit immobilier et qu’il nous semble que les discussions de Bâle devraient être beaucoup plus transparentes, le groupe écologiste s’abstiendra.

 

Je vous remercie.