[AFP] Le dalaï lama en France, sans temps mort ni contact en haut lieu

Paris, 12 sept 2016 (AFP) – Le dalaï lama a entamé à Paris une visite d’une semaine, sa première en France en cinq ans: le maître bouddhiste et chef spirituel des Tibétains a un programme chargé, mais ne devrait rencontrer aucun membre du gouvernement, sous l’œil toujours sourcilleux de Pékin.

Le 14e dalaï lama, prix Nobel de la Paix 1989, multiplie les rendez-vous loin de son exil indien de Dharamsala, sans ralentir la cadence à 81 ans.

> Lire également : 86% des Français souhaitent que François Hollande reçoive le Dalaï-Lama

Arrivé lundi à Paris en provenance de Bruxelles, Tenzin Gyatso ouvrira mardi un cycle d’interventions couvrant les sujets qui lui sont chers: la « responsabilité universelle » – notamment écologique -, « l’harmonie entre les religions », le dialogue avec la science et « le bien-être du peuple tibétain ».

A Paris, mardi, l’homme à la robe grenat et au sourire malicieux parlera à la Maison des avocats de l’articulation entre droit et environnement, puis accordera une « audience collective » aux Tibétains exilés en France: 3.000 d’entre eux sont attendus, en costumes traditionnels, au Palais des congrès.

Le lendemain, il participera à une rencontre sur le dialogue interreligieux au collège (catholique) des Bernardins, avant de donner une conférence-débat sur la culture tibétaine à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales).

Jeudi à Strasbourg, le dalaï lama s’exprimera au Conseil de l’Europe, dialoguera avec des scientifiques de l’université vendredi, puis donnera une conférence publique « pour une éthique au-delà des religions » et des enseignements bouddhiques au Zénith.

– Visage de la bienveillance –
Mais, hormis une rencontre au Sénat avec des parlementaires du groupe d’information sur le Tibet et une réception à l’hôtel de ville de Strasbourg, le chef spirituel des Tibétains ne rencontrera aucun officiel français.

L’intéressé ne s’en formalise pas. « Je n’ai rien à dire aux officiels, je préfère parler du bonheur, des familles heureuses, de communautés heureuses et d’un monde heureux », a-t-il dit dans un entretien au Monde publié samedi.

Il se rend cependant volontiers disponible si on le sollicite. Ainsi l’ex-ministre Emmanuel Macron l’a rencontré dès lundi après-midi dans un hôtel parisien, postant ensuite une photo de lui sur Twitter, écharpe blanche tibétaine autour du cou, front contre front avec son hôte, sous ces mots: « J’ai vu le visage de la bienveillance. » Une rencontre pouvant faire figure de pied de nez aux autorités de la part de l’ex-ministre.

Même si le dalaï lama a renoncé à toute responsabilité politique sur les Tibétains en exil en mars 2011, laissant le pouvoir au « sikyong » (dirigeant), ses éventuels contacts avec des responsables occidentaux suscitent immanquablement les protestations des autorités chinoises.

Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, qui s’est entretenu dimanche avec son homologue chinois Wang Yi après l’essai nucléaire nord-coréen, ne recevra pas le dignitaire tibétain.

Un temps à son programme, une conférence à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris n’y figure plus. « Sciences Po a annulé sa venue sur intervention de l’ambassade de Chine, qui est également intervenue auprès de la présidence de l’Inalco pour demander des aménagements », confie une source proche du dossier.

La discrétion des autorités françaises à l’égard du dalaï lama agace le sénateur EELV des Hauts-de-Seine André Gattolin, soutien de la cause tibétaine. Ce dernier a commandé à l’Ifop un sondage (1.010 personnes interrogées les 6 et 7 septembre) selon lequel 86% des Français pensent que « François Hollande doit recevoir officiellement le dalaï lama au nom des droits de l’Homme ».

« Ce résultat montre qu’en dépit des pressions des autorités chinoises envers les pays occidentaux, les Français accordent un soutien massif à une reconnaissance au plus haut niveau de l’État du rôle du dalaï lama », estime le sénateur, rappelant que Barack Obama l’a reçu le 15 juin. A la Maison-Blanche, mais à l’abri des regards.