[L’Alsace] Télévision: Le combat par procuration de Jacques Muller

Six ans après avoir déposé une proposition de loi en ce sens, l’ex-sénateur EELV haut-rhinois Jacques Muller espère l’adoption prochaine de la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse des chaînes publiques. Il appelle les sénateurs alsaciens « à faire l’union sacrée pour faire aboutir cette démarche d’intérêt général ».

Le 14 décembre 2010, Jacques Muller, qui avait remplacé Jean-Marie Bockel au Sénat lors de son entrée dans le gouvernement Fillon, trois ans plus tôt, déposait une proposition de loi en forme de « testament politique » le jour de son départ du Palais du Luxembourg. Dans le prolongement d’une campagne lancée par le Mouvement pour une alternative non-violente (Man), l’écologiste alsacien – qui a, depuis, quitté EELV – visait la publicité commerciale dans les programmes jeunesse du petit écran, « un vrai sujet de société » (lire ci-dessous).

Sa proposition n’a pas été inscrite à l’ordre du jour, puisqu’il n’y avait plus personne pour la porter. Mais après les élections suivantes, un groupe EELV a pu émerger au Sénat, qui pouvait désormais déposer des propositions de loi en son nom sans avoir à négocier avec les socialistes, comme avait dû le faire l’ancien maire de Wattwiller.

Passage de relais

Celui-ci passe alors le relais à André Gattolin, nouvel élu des Hauts-de-Seine. « Il a rendu ma proposition plus adaptée à l’évolution du secteur audiovisuel – il existe aujourd’hui 18 chaînes pour enfants – et l’a simplifiée. J’avais voulu trop bien faire en travaillant sur la publicité implicite, les messages cachés, etc. Ma proposition comptait onze articles, c’était d’autant plus difficile à faire passer. Il n’en reste que deux : un pour le secteur public, l’autre pour le secteur privé. »

Sur le service public, la proposition prévoit la suppression pure et simple de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse. Le gouvernement y est opposé, les élus socialistes et communistes également, souhaitant préserver les ressources financières de France Télévisions (FT). « Mais quand on regarde les chiffres, on constate que cette publicité représente 0,5 % du budget de FT. Et on a observé, dans d’autres pays qui ont adopté des mesures similaires, un report des publicités dans les programmes de prime time. Au final, nous estimons que la perte serait seulement de cinq millions d’euros. Une goutte d’eau au regard des enjeux ! »

Les chaînes privées, elles, seraient plus fortement incitées à l’autorégulation. « Les annonceurs sont déjà censés veiller à la « qualité » de leurs messages. Mais on voit bien que cela ne fonctionne pas. » Les contraintes envisagées ont été « allégées » par la commission culture du Sénat, mais la proposition a été votée « assez largement » , avec le concours des écologistes, des centristes et d’une partie des élus Les Républicains.

À l’Assemblée nationale, le texte a été « détricoté » par le rapporteur socialiste, puis rétabli par les écologistes en séance plénière, les députés socialistes n’ayant pas participé au vote « de manière très active ». Mais un amendement des radicaux de gauche a modifié le texte issu du Sénat : la proposition doit donc y revenir en deuxième lecture, normalement début décembre.

« L’article 1 prévoit désormais que le CSA remettra chaque année au Parlement un rapport concernant la publicité commerciale dans les programmes jeunesse, explique Jacques Muller. Le Parlement devra se prononcer sur ces rapports. Cela doit créer une certaine pression sur les firmes. Le gouvernement pourra aussi prendre un décret, en cas de dérive manifeste. »

Si le Sénat ne vote pas conforme le texte sorti de l’Assemblée nationale, les députés auront à nouveau à se prononcer. À l’approche des élections, Jacques Muller craint qu’un report signifie « l’enterrement » de ce travail. « Ce serait un sacré gâchis. Le plus beau cadeau de Noël que pourraient offrir les sénateurs aux enfants ne serait-il pas de voter (conforme) ce texte de loi qui les protège ? J’appelle en tout cas mes collègues sénateurs alsaciens à faire l’union sacrée pour faire aboutir cette démarche d’intérêt général. »

Paru le 20 novembre 2016

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