Débat en séance publique sur la convention OSPAR

André Gattolin est intervenu le 2 juillet, au nom du Groupe écologiste, au cours du débat relatif à la convention OSPAR. 

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, en tant qu’écologiste, je ne vous étonnerai pas en vous disant que la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète sont des enjeux fondamentaux devant guider toutes les grandes décisions que nous avons à prendre.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a trait à la convention OSPAR, dont l’objet est la préservation de l’environnement marin dans l’Atlantique du Nord-Est. Il est à noter que le champ d’application géographique de la convention englobe la majeure partie de l’Atlantique du Nord-Est et donc une partie de la zone Arctique, un milieu particulièrement fragile, qu’il convient de protéger prioritairement. Plus de 13 millions de kilomètres carrés, soit 25 fois la surface de la France, sont concernés.

Dans sa version initiale, la convention interdisait l’immersion en mer des déchets et autres matières. Or, comme cela a été rappelé, les développements technologiques en matière de stockage, notamment géologique, de CO2 ont poussé la commission OSPAR à autoriser, sous certaines conditions, « le stockage sûr et permanent des flux de CO2 d’origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin ».

L’enjeu du vote de ce soir est donc d’autoriser ou pas le captage et le stockage du carbone – CSC– dans le sous-sol de la mer du Nord à partir d’exploitations offshore.

Concrètement, cela signifie qu’il faudra capter le CO2 sortant des cheminées des centrales installées sur terre, en faire un flux concentré, qui sera ensuite transporté, via des gazoducs ou d’autres équipements divers, jusqu’à des sites de stockage en profondeur dans l’espace maritime.

Si la lutte contre le changement climatique justifie que soient sérieusement étudiées les potentialités de cette technologie, il faut aussi relever que l’industrie minière prône activement la généralisation d’une telle technologie pour justifier la construction de nouvelles centrales thermiques au charbon.

Soyons donc prudents et accordons-nous pour reconnaître que cette technologie est encore très immature.

Trop peu d’études existent sur les effets de chacune des quatre étapes nécessaires, à savoir le captage, le transport, l’injection et le stockage.

Certes, et M. le président Carrère l’a rappelé, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, estime que plusieurs tonnes de CO2 pourraient être épargnées à l’atmosphère grâce à cette technique : cela représenterait potentiellement jusqu’à 30 % à 40 % des émissions globales de CO2. Pour sa part, l’Agence internationale de l’énergie parle, et ce n’est pas contradictoire, d’un potentiel de captation de 20 % des émissions de dioxyde de carbone mondiales d’ici à 2050.

Cependant, ce que ces études n’évoquent pas, ce sont les risques, pourtant bien réels, que la technologie comporte. En l’état, ils nous semblent peu acceptables.

Géologiquement, la taille particulièrement vaste des cavités qui seraient employées pour le stockage, notamment des anciennes cavités de forage pétrolier ou gazier sous-marins, ne permet pas de garantir leur étanchéité. Une fuite massive de CO2 entraînerait l’acidification des eaux et une destruction de la faune marine intégrée à l’écosystème.

Dans un tel cadre, il serait impossible de garantir un stockage sûr et permanent du CO2. Un taux de fuite, même relativement peu élevé, pourrait remettre en question tous les efforts faits en vue d’atténuer les causes anthropiques du changement climatique.

De plus, une telle technologie consomme entre 10 % et 40 % de l’énergie produite par une centrale dont on parviendrait à capter les émissions de CO2.

L’adoption du captage et stockage du carbone à grande échelle risquerait donc d’annuler les gains acquis par les efforts d’efficacité énergétique et d’accroître la consommation de matières fossiles.

Autre conséquence, et non des moindres, le coût de fonctionnement des centrales augmenterait sensiblement, faisant ainsi augmenter celui de l’électricité. Comme cela a été rappelé, le prix du carbone et du stockage carbone est particulièrement élevé.

De plus, même avec des investissements très importants, la technologie ne sera disponible à grande échelle, au plus tôt, qu’en 2030. Au vu de l’urgence environnementale à laquelle nous devons faire face, nous ne pouvons pas nous permettre de tergiverser encore pendant près de vingt ans, période durant laquelle les sommes consacrées au captage et au stockage du carbone réduiront d’autant les investissements pour des solutions durables aux changements climatiques.

Le développement d’une filière de captage et de stockage du carbone risque ainsi de ralentir la transition énergétique que nous devons mener, en confortant l’utilisation des énergies carbonées.

En réalité, les véritables solutions pour limiter les conséquences des changements climatiques sont l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Il est possible de réduire de manière importante la demande énergétique par le biais de mesures d’économies drastiques de notre consommation d’énergie.

En outre, les potentialités des énergies renouvelables, comme le vent, les marées, la biomasse ou encore l’énergie solaire, sont loin d’avoir été pleinement exploitées à ce jour.

Vous l’aurez compris, les écologistes sont réservés quant à l’idée d’investir massivement dans une telle technologie au détriment – compte tenu du contexte budgétaire, le problème se pose en ces termes – d’une véritable lutte contre l’accroissement des émissions de CO2 résultant de l’activité humaine.

Aussi, et je tiens à le rappeler, si les écologistes ne sont pas hostiles au développement d’une recherche technologique permettant d’atténuer les effets des énergies carbonées, notre préférence va très nettement à une action réduisant celles-ci en amont, plutôt qu’à une action visant à en limiter les conséquences a posteriori. Si j’étais facétieux, je dirais qu’il ne faudrait pas qu’OSPAR devienne « OSCOUR » ! C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte.