L’Europe mérite une information de qualité et facilement identifiable sur l’ensemble de notre territoire national

André Gattolin est intervenu en séance publique, mercredi 9 octobre, au sujet de la proposition de résolution « Radio France Europe ».

La proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui a un objet à la fois fort simple et très ambitieux.

Il s’agit de favoriser une européanisation du débat public, une meilleure connaissance de l’Europe dans toute sa diversité ; et de le faire notamment par la création d’une nouvelle station radio, qui serait provisoirement baptisée Radio France Europe, en référence à RFI – Radio France Internationale. Je signale toutefois que cette nouvelle antenne radiophonique n’aurait pas la même visée que sa vénérable consoeur et ne serait en aucun cas en concurrence frontale avec elle.

Vu les craintes émises par certains de mes collègues, je tiens dès à ce stade de mon intervention, à préciser ce point afin d’évacuer une fausse controverse qui pourrait se développer à ce sujet…

RFI relève de l’audiovisuel extérieur de la France. La station, ou plutôt la myriade de stations qu’elle regroupe avec des programmes spécifiques en différentes langues, vise les publics installés ou vivant en permanence hors de France.

Son périmètre est, sinon véritablement planétaire, tout au moins pluri-continental. A l’exception de la région parisienne – et encore de manière parfois assez inconfortable pour son écoute – RFI ne dispose pas d’un réseau national de fréquences sur notre territoire.

Certes, une part des programmes de RFI – très minoritaire d’ailleurs – traitent de l’actualité européenne qu’elle soit institutionnelle ou qu’elle se rapporte aux nouvelles spécifiques à chacun de nos 27 partenaires de l’Union européenne.

Mais outre leur volume très réduit au regard de l’offre globale proposée par RFI, ces programmes sont épars, difficilement identifiables et, comme je l’ai dit, non captables par une très large majorité de nos concitoyens.

Le but de Radio France Europe, c’est précisément d’offrir à ces derniers et à l’instar de ce que fait RFI à l’échelle mondiale, une information de qualité et facilement identifiable à propos de l’Europe sur l’ensemble de notre territoire national.

Car l’Europe demeure encore aujourd’hui le grand fantôme qui hante notre vie publique et qui, en dépit de son omniprésence, ne se révèle que de manière très fugace dans notre vie quotidienne. Et comme tout ce qui est masqué ou recouvert d’un voile, l’Europe est aujourd’hui en France l’objet de tous les fantasmes : hier, et sans doute exagérément positifs ; aujourd’hui, presque systématiquement négatifs et anxiogènes…

L’enlisement dans la crise et les replis nationaux qu’elle suscite sont évidemment passés par là !

Nous, parlementaires, nous savons bien la place majeure qu’occupe aujourd’hui l’Union européenne dans les choix et les orientations prises à l’échelle nationale. Mais notre comportement politique est souvent des plus ambigus…

Lorsque l’Europe conduit à de réelles avancées pour nos concitoyens et génère des subsides importants pour nos territoires, nous avons tendance à occulter son rôle et à nous attribuer les mérites de la situation.

A l’inverse, dès lors qu’une mesure prise à l’échelle européenne  est impopulaire et quand bien même elle a obtenu l’aval de notre gouvernement au sein du Conseil européen, nous sommes souvent prompts à fustiger Bruxelles et à nous dédouaner de nos propres responsabilités…

Soyons clairs, bien qu’européiste convaincu, je ne suis pas en train de dire que le fonctionnement de l’Union me satisfasse, loin s’en faut. Je veux simplement dire que la mise en scène à laquelle nous nous prêtons parfois, relayée et amplifiée par de nombreux médias, et consistant à ne faire apparaître le fantôme européen que pour le fustiger lorsque les choses vont mal, est sans doute la principale raison qui conduit nos concitoyens à l’euro-indifférence, voire à l’anti-européanisme qui sévit aujourd’hui dans notre société.

L’ambition de la résolution qui vous est proposée, c’est justement de renverser ce malheureux état de fait.

Il ne s’agit évidemment pas de créer un média propagandiste dont la fonction serait de porter la bonne parole d’une Europe où tout serait merveilleux !

Non ! Il s’agit en premier lieu de donner à savoir et à comprendre hors du seul périmètre étroit de l’information hexagonale la dimension européenne de ce qui nous traverse au quotidien dans nos réalités de tous les jours.

Le but de cette radio, ça serait précisément de faire toucher du doigt cette Europe-là, alors qu’elle est si mal connue.

Bien sûr, on nous objectera le coût d’un tel média. Un argument malheureux quand on pense que nous sommes en 2013, année de la citoyenneté européenne. A quoi bon développer tout un discours sur cette belle notion, et chercher à démocratiser l’Europe, si nous ne nous donnons pas les moyens d’y parvenir ?

Après quelques rapides calculs, le budget annuel d’une telle station se situerait aux alentours de 15 millions d’euros annuels. Cela équivaut au budget du Mouv’, la station de Radio France à destination de la jeunesse. C’est une somme certes non négligeable, mais qui reste très raisonnable au regard de l’utilité publique d’un tel projet.

Radio France Europe, qui devra impérativement être sous la double tutelle de Radio France et de l’audiovisuel extérieur et construite en étroite collaboration avec Radio France Internationale, pourra naturellement développer certains contenus propres.

Mais elle devra aussi fonctionner comme une radio de rattrapage pour les émissions à vocation européenne qui existent déjà sur le service public, et notamment sur RFI

Elle pourra également conclure des accords avec des médias publics européens pour reprendre certaines de leurs productions.

Il serait bon également, en partenariat avec Europarl TV, qu’elle puisse diffuser certaines sessions du Parlement européen de Strasbourg.

Bref, autant de possibilités qui en amoindriraient les charges, tout en apportant énormément à la qualité du débat public.

Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,

Nous n’ignorons pas qu’il y a un débat aujourd’hui sur l’opportunité et la faisabilité d’une telle initiative, y compris d’ailleurs au sein du groupe écologiste : ses membres ne sont pas d’accord sur le sujet et voteront de manière différenciée.

A titre personnel, je voterai en faveur de ce texte.

Mais quel que soit le jugement que l’on peut avoir sur cette proposition précise, nous ne pouvons plus ignorer la nécessité de parler davantage d’Europe, sur nos ondes et dans nos débats. Il y a urgence, nous sommes tous d’accord là dessus. Reste encore à trouver la façon la plus efficace d’y contribuer.

Je vous remercie.