Pour un développement durable en Nouvelle-Calédonie

André Gattolin est intervenu le 21 octobre à l’occasion de la discussion générale relative à la Convention fiscale entre la France et le Canada

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la rapporteure,

Mes chers collègues,

 

Nous sommes ici pour examiner le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale passée entre la France et le Canada en 1975 et déjà modifiée à deux reprises.

Le présent avenant n’a pas pour objet de changer les dispositions de la convention, mais d’en étendre le champ d’application à la Nouvelle-Calédonie, qui en était jusque-là exclue.

Cette extension répond à un besoin bien précis : celui de permettre l’achèvement et la pérennisation du grand projet minier de Koniambo dans le Nord de l’île.

A ce stade, il n’est pas inutile de rappeler que l’économie calédonienne repose largement sur l’exploitation de ses ressources minières, notamment du nickel, dont elle posséderait plus du quart des réserves mondiales.

Il existe depuis longtemps une usine de traitement du nickel à Nouméa, au sud de l’île. L’idée d’en construire une seconde au nord est ancienne, mais elle s’est longtemps heurtée aux réticences de l’exploitant français.

Le territoire du Nord étant majoritairement peuplé de Kanaks, ces derniers ont vu dans ces réticences une manœuvre politique néocolonialiste visant à les déposséder de la richesse de leurs terres.

Ils ont donc posé comme préalable aux accords de Nouméa (1998) la réalisation de l’usine du Nord.

La société Koniambo est un consortium détenu à 51 % par la société minière kanak, la SMSP, et à 49 % par un exploitant canadien spécialisé dans l’extraction du nickel, Falconbridge, racheté par le groupe suisse Xstrata en 2006.

Le projet d’exploitation a été finalisé cette même année et l’usine a été mise en route en avril dernier.

Les Kanaks espèrent en tirer une rente, qui pourrait s’élever à 125 millions d’euros dès 2014, leur permettant de s’affranchir progressivement des transferts de l’Etat français et ainsi viabiliser le projet d’indépendance de l’île, qui devrait être soumis à référendum avant 2018.

À terme, l’usine pourrait employer directement près de 1 000 personnes et porter à 15 % la part de la Nouvelle-Calédonie dans la production mondiale de nickel.

Pour que son engagement soit rentable, la société Falconbridge doit pouvoir rapatrier ses dividendes au Canada en franchise d’impôt, grâce au régime canadien des sociétés mères.

Ce régime, bien que critiquable n’est en aucun cas dérogatoire au droit international, et n’aura aucun impact budgétaire pour la France, puisque la réduction d’impôt sera à la seule charge du Trésor canadien.

Il ne faut pas manquer de le rappeler : les écologistes sont par nature, très vigilants à l’égard d’un modèle économique reposant quasi-exclusivement sur une forme de mono-activité, en particulier lorsque celle-ci s’appuie sur l’exploitation de ressources minières par essence épuisables.

D’autant plus que, s’agissant du nickel, son exploitation intensive est susceptible de générer des dégradations environnementales lourdes en matière de biodiversité notamment.

Le nickel est, par ailleurs, une matière dont la valeur repose sur une économie extrêmement spéculative qui s’établit sur le court terme.

Les sociétés minières internationales sont évidemment tout sauf des enfants de choeur.

A ce titre, nous comprenons bien les réticences du groupe CRC à l’égard des multinationales minières en général, et canadiennes en particulier qui bénéficient d’avantages fiscaux et « politiques » de la part des autorités canadiennes qui dépassent l’entendement.

Et, de fait, l’avenant que nous étudions aura, si nous l’adoptons, pour effet de permettre à la société canado-suisse Falconbridge de bénéficier des facilités propres à la Bourse de Toronto où elle est cotée et de jouir d’une forme de paradis judiciaire et réglementaire tel que développé au Canada.

Les écologistes, soucieux de la préservation de l’environnement et de l’instauration d’un contrôle accru des activités des sociétés minières, ne cachent donc pas leur préoccupation quant aux conséquences éventuellement négatives que pourrait avoir cet avenant.

Mais nous sommes également très attachés à l’idée de donner à la Nouvelle-Calédonie la capacité de se développer pour s’émanciper du système colonial qui l’a longtemps gouvernée, comme nous sommes aussi très attachés au droit à l’autodétermination de tous les peuples sur notre planète.

Nous le savons, l’exploitation du nickel par les Kanaks a été une des conditions majeures de la ratification des accords de Nouméa par les indépendantistes, qui y ont vu le moyen de sortir la province Nord de l’atrophie économique dans laquelle l’Etat français l’a maintenue pendant des décennies.

Le projet a été développé en pleine concertation avec les tribus du Nord et les bénéfices dégagées par le territoire seront pleinement réinvestis dans le développement et la diversification de l’économie locale.

L’activité d’extraction s’accompagnera d’une activité de transformation sur place du nickel, rendant le produit fini moins sensible aux aléas des cours de cette matière première.

Enfin, la protection de l’environnement devra bien sûr, étant donné l’exceptionnelle richesse de la biodiversité terrestre et marine de l’archipel, faire l’objet de toujours plus d’attention, de précautions, et aussi de transparence et de concertation avec la société civile, qui doit être considérée, notamment sur les questions environnementales, comme un partenaire à part entière.

C’est à partir de cet arbitrage toujours délicat, pour nous écologistes, entre respect de l’environnement et droit des peuples à l’auto-détermination et au développement durable que notre groupe approuvera cette convention, tout en conservant bien sur sa vigilance critique.

Je vous remercie.