Risque d’accident nucléaire : l’État est en réalité assureur de fait !

Lors du débat sur l’article 35 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 au Sénat, André Gattolin pointe du doigt l’insuffisance d’une garantie de l’Etat à hauteur de 700 millions d’Euros en cas d’accident nucléaire, au regard du coût réel d’un tel accident, estimé (à minima) à 70 milliards d’Euros. Retrouvez ci-dessous son explication de vote.

Article 35

I. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives la garantie de l’État au titre de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire, en application du premier alinéa des articles L. 597-7 ou L. 597-31 du code de l’environnement.

Cette garantie s’exerce dans la limite d’un plafond de 700 millions d’euros par installation nucléaire, au sens des articles L. 597-2 ou L. 597-27 du même code, et par accident nucléaire.

II. – La garantie mentionnée au I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2016.

La parole est à M. André Gattolin, sur l’article.

M. André Gattolin. Nous étudions, avec cet article, l’octroi d’une garantie d’État au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, pour couvrir le risque d’accident nucléaire. Cette garantie est de 700 millions d’euros.

Or ce montant est dérisoire, comparé au coût réel d’un accident. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, autorité publique indépendante en matière de sécurité nucléaire, a évalué le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident de type Fukushima entre 600 milliards et 1 000 milliards d’euros.

C’est donc en réalité l’État qui est l’assureur de fait, et pour une somme potentiellement illimitée, que nous votions ou non, d’ailleurs, cette garantie de 700 millions d’euros.

Cette situation est problématique à plusieurs titres.

D’abord, sur le plan économique, la garantie implicite de l’État aux exploitants nucléaires est-elle compatible avec le droit européen de la concurrence ?

Ensuite, sur le plan juridique, sachant que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, dans son article 34, prévoit que les garanties d’État sont octroyées en loi de finances, comment expliquer que cette garantie de fait n’y figure pas ? J’aimerais beaucoup, monsieur le secrétaire d’État, connaître votre analyse sur ce point.

En outre, sur le plan énergétique, il n’est plus à démontrer que le nouveau nucléaire, je veux parler de l’EPR, n’est pas du tout compétitif. En revanche, il est vrai que les vieilles centrales, déjà amorties, produisent une électricité peu chère pour quelques années encore. Toutefois, cela ne tient qu’au fait que le risque est assuré gratuitement par l’État. Il se trouve que plus les centrales vieillissent et plus ce risque augmente. C’est d’ailleurs l’objectif de cet article, affiché ouvertement par le Gouvernement : il s’agit d’éviter au CEA une explosion de ses primes d’assurance.

Enfin, sur le plan financier, que se passera-t-il si la garantie d’État devait être appelée ?

En refusant de sortir de manière ordonnée du nucléaire, nous jouons à la roulette russe, humainement et écologiquement. En refusant de surcroît de l’assurer, nous jouons à la roulette russe financièrement.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre cet article que je considère comme totalement hypocrite.

M. le président. L’amendement n° 214, présenté par M. Husson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 35.

(L’article 35 est adopté.)

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(Extrait du compte-rendu intégral de la séance)