Intervention dans le débat « Le Massif central, un enjeu de développement territorial »

Intervention en séance publique au Sénat, le 8 décembre 2016 (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,

Notre pays se trouve dans la situation dérangeante d’héberger en son centre un vaste espace, représentant près de 15% du territoire, qui cumule les handicaps en matière d’aménagement.

Relief difficile, climat parfois rude, absence de métropole polarisante, divisions historiques, les raisons abondent pour expliquer les difficultés que connaît le Massif central.

Et malheureusement, la politique d’aménagement du territoire n’a jusque là pas permis de corriger efficacement ces handicaps, hérités tant de la géographie que de l’histoire.

En particulier, deux des axes principaux de l’aménagement du territoire, la régionalisation et la métropolisation, n’ont pas su prendre en compte les particularités du Massif central.

Son éclatement entre six, et maintenant quatre régions, empêche d’entretenir une véritable dynamique régionale.

Ceci est d’autant plus problématique que cet échelon joue un rôle de premier plan en matière d’aménagement du territoire.

Certes, le Massif central est une terre aux identités plurielles, au confluent des terres de langues d’oc et de langues d’oïl, rendant difficile son regroupement en une région unique.

Pour autant, la réforme de la carte régionale a totalement occulté cet enjeu et y a poursuivi un simple objectif de rationalisation administrative.

Il est vrai qu’un schéma interrégional ainsi que des structures, comme le commissariat à l’aménagement du Massif central, ou le groupement d’intérêt public interrégional ont été mis en place, mais ils ne sont que des palliatifs inaptes à remplacer une organisation régionale plus cohérente.

Cet éclatement est renforcé par une logique de métropolisation dont le Massif central ne profite pas.

Ni Clermont-Ferrand, ni Limoges n’ont un rayonnement suffisant pour polariser leur territoire.

Le Massif central est donc tiraillé entre différentes métropoles, situées à ses marges et au-delà.

Le Bourbonnais et Clermont-Ferrand sont orientés vers Paris ; du Forez au Velay, l’influence de Lyon se fait sentir ; le Sud-Ouest du Massif central regarde plutôt vers Toulouse ; tandis que le Limousin est tourné vers Bordeaux et la façade atlantique.

En filigrane, transparaît donc un des besoins principaux du Massif central : la cohérence et le maillage du territoire.

A cet égard, la logique du tout routier qui prévaut depuis plusieurs décennies dans cette région doit laisser place à un renouveau du chemin de fer, selon une logique qui concilie organisation de l’espace et désenclavement.

Une desserte fine, en chapelet, sur le modèle des trains à haut niveau de service, est ici une solution pertinente.

De tels trains induisent un désenclavement des gares majeures grâce à des temps de trajet raisonnables, sans pour autant délaisser les arrêts intermédiaires.

Un effort préalable, y compris sur le réseau TER, doit cependant être consenti sur deux plans.

Tout d’abord, au niveau de l’entretien et de l’amélioration des lignes, notamment leur électrification, puisque la traction diesel est une aberration écologique et économique.

Ensuite, leur mise à niveau est également requise, afin d’augmenter des vitesses moyennes bien trop faibles.

Cet enjeu du désenclavement rejoint bien évidemment la question de l’attractivité du territoire, sans toutefois la recouvrir totalement.

Là aussi, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer.

Cela passe, premièrement, par un encouragement de l’essor de formations universitaires d’excellence, notamment celles comprenant un bi-cursus, en partenariat avec des universités françaises dont le rayonnement est plus important ou avec des universités internationales.

Celles-ci y sont trop rares alors qu’elles sont le moyen d’y attirer et d’y maintenir une population par définition jeune et dynamique.

Deuxièmement, il s’agirait de corriger le déficit de notoriété dont souffre l’artisanat local, vivier d’emploi et manifestation du savoir-faire français.

Pour n’en citer qu’un, la coutellerie de Thiers offre un bon exemple.

Ces filières font d’ailleurs vivre un enseignement professionnel bien implanté dans la région, parcours d’excellence qui ne demandent qu’à être développés.

Troisièmement, on ne peut évoquer l’attractivité du territoire sans souligner la nécessité d’étendre l’accès au haut débit voire au très haut débit en priorité dans les bourgs-centres, afin de réduire la fracture numérique et de faciliter l’implantation des PME dans les petits centres urbains.

Enfin, on oublie parfois, au gré de la vindicte contre les dépenses publiques, qu’en assurant la présence des services publics sur tout le territoire, l’Etat répond non seulement aux besoins d’administration égale et continue, mais assure aussi une fonction primordiale d’aménagement du territoire.

A titre d’exemple, la réforme de la carte judiciaire semble avoir occulté l’importance que peut revêtir dans des villes de seulement quelques milliers d’habitants, la simple présence d’un tribunal d’instance.

 

On voit qu’il existe donc de nombreux leviers de développement, susceptibles de valoriser les atouts qui caractérisent, aussi, le Massif central :

… des indicateurs sociaux favorables, un taux de chômage plus faible que la moyenne nationale, des dossiers de surendettement moins nombreux, une nature préservée qu’il est souhaitable de valoriser dans le respect – bien évidemment – de l’environnement, et enfin, et non des moindres, un patrimoine culinaire apprécié à travers la France et le monde entier.

Imposant en superficie et en topographie, au centre de gravité de la France, le Massif central mérite bien son nom, mais est loin, malheureusement, de bénéficier d’un intérêt correspondant dans nos politiques publiques.

Je vous remercie.