Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

Intervention, le jeudi 16 octobre 2014, lors de la discussion du projet de loi d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. J’ai notamment alerté à cette occasion sur le fait que les contributions des banques françaises au Fonds européen de résolutions bancaires se trouvent, en l’état actuel du droit, déductibles lors de l’établissement de l’impôt sur les sociétés. 

 

Les lois de transposition du droit européen, que l’on rassemble sous l’acronyme DDADUE, sont toujours d’un abord ardu, en particulier en matière économique et financière.

Le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui rassemble un important volume de directives et de règlements visant à une meilleure régulation, mis en place par l’Union européenne à la suite de la crise financière de 2008.

Ce texte est pour une large part composé d’habilitations du Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances.

Il est toujours difficile pour un parlementaire de se dessaisir de son pouvoir législatif au profit d’ordonnances, mais force est de reconnaître, en l’espèce, que la grande technicité et le nombre des dispositions à transposer justifie globalement cette démarche.

Pour autant, le Parlement ne doit pas se démettre complètement de ses prérogatives.

Ceci est d’ailleurs vrai en France comme au niveau européen où l’on a vu ces dernières années le recours aux actes délégués se développer de manière beaucoup trop importante, alors que cette procédure – qui permet à la Commission de compléter ou modifier directement certains actes européens – est supposée ne viser que des éléments limités et non essentiels de la législation de l’Union !

Je vous renvoie sur cette question à l’excellent rapport que notre collègue Simon Sutour a consacré à ce problème au mois de janvier dernier.

A cet égard, on peut savoir gré de sa vigilance à notre rapporteur Richard Yung, qui a proposé que nous refusions ou modifions le cadre de certaines habilitations, comme celle de l’article 23 ter, portant sur les abus de marchés, à propos desquels le Sénat a déjà engagé une réflexion devant bientôt aboutir.

Etant particulièrement sensible à la question du numérique, je me félicite également que nos collègues de l’Assemblée nationale aient supprimé l’habilitation contenue dans l’article 21, qui portait sur la réutilisation des informations du secteur public.

Cette question, qui a des implications importantes sur la qualité de notre démocratie à l’ère du numérique, pourra ainsi faire l’objet d’un vrai débat parlementaire à l’occasion d’un projet de loi à venir sur le numérique.

L’autre apport majeur des travaux de notre rapporteur et de notre commission a consisté à différer la publication de l’ordonnance relative au Mécanisme de résolution, dans le but de peser sur la négociation concernant la clé de calcul des contributions au Fonds de résolution.

Beaucoup – en France ! – considèrent en effet qu’elle serait trop défavorable au secteur bancaire français, si le chiffre de 30%, actuellement avancé comme quote-part de la France, se confirmait.

Je souscris tout à fait à l’amendement du rapporteur, qui propose simplement de ne pas signer tant que nous n’avons pas toutes les données sur les tables :

la répartition des contributions est, en effet, une question très politique qui ne se résume pas à un calcul d’expert. En ce qui concerne le fond du problème, je serais toutefois plus nuancé.

S’il faut évidemment être attentif à l’enjeu diplomatique d’une telle négociation, qui pourrait inciter les Etats à favoriser leurs banques nationales, il ne faut pas non plus se dissimuler le fait que le système bancaire français, par son extrême concentration, présente un profil de risque particulièrement élevé.

Rappelons tout de même que parmi les 20 plus grandes banques mondiales figurent 9 banques européennes, et parmi ces dernières, une est espagnole, une est allemande, 3 sont anglaises et 4 sont françaises !

La loi de séparation des activités bancaires, que nous avons voté en 2013, n’a malheureusement pas permis d’y remédier.

Il me semble à cet égard qu’il serait déplacé de revendiquer pour la France un taux de contribution global, sans tenir compte de la structuration du paysage bancaire et de sa participation au risque systémique.

De plus, l’esprit de ce fonds de résolution est d’éviter que les finances publiques ne soient mises à contribution pour réparer les erreurs d’établissements bancaires ou assurantiels privés.

Or, du fait de la déductibilité de ces contributions au titre de l’impôt sur les sociétés, c’est en réalité l’Etat qui va en financer un tiers !

J’aurai l’occasion de vous présenter un amendement sur ce point au cours de la discussion des articles.

J’aimerais maintenant aborder la question de la transparence des industries extractives, évoquée par l’article 8 du projet de loi.

L’exploitation des ressources naturelles fait, trop souvent, l’objet d’atteintes majeures à l’environnement, de spoliations économiques des peuples ou de conflits armés violents.

Dans le but de mettre fin, en particulier, à la corruption et aux détournements de fonds accompagnant souvent ces marchés, différentes initiatives ont été menées qui aboutissent à mettre en œuvre davantage de transparence.

L’article 8 vise ainsi à transposer une directive imposant aux industries extractives la publication des paiements effectués au profit des autorités publiques des Etats où elles opèrent.

C’est une avancée importante.

Toutefois, la formulation proposée dans le projet de loi reste ambiguë et, surtout, ne respecte pas la loi Canfin, pourtant explicite, que nous avons votée au printemps dernier. J’aurai là aussi l’occasion d’y revenir par des amendements.

Enfin, en tant qu’écologiste, je me dois de dire un mot de l’article 5, qui porte sur la responsabilité civile des exploitants nucléaires.

Même si ce n’est pas l’objet de l’article, je profite de cette occasion pour rappeler que la responsabilité des exploitants nucléaires est limitée à 91 millions d’euros.

Un protocole vieux de 10 ans prévoit de la porter à 700 millions, mais il n’est jamais entré en vigueur.

Ces montants sont dérisoires, comparés au coût d’un accident.

L’IRSN, qui fait autorité, évalue le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident type Fukushima entre 600 et 1000 milliards d’euros.

C’est donc en réalité l’Etat qui est l’assureur de fait, ce qui n’est pas sans poser de questions : la garantie implicite de l’Etat aux exploitants nucléaires est-elle compatible avec le droit européen de la concurrence ?

Est-elle même compatible avec la LOLF qui, dans son article 34, prévoit que les garanties d’Etat sont octroyées en loi de finances ?

Il y a là des questions délicates à propos desquelles, Monsieur le Ministre, j’aimerais connaître votre analyse et dont notre commission des finances, mes chers collègues, pourrait se saisir.

Pour conclure, j’aimerais rappeler, que pour les écologistes, les solutions à apporter à la crise qu’a déclenchée la financiarisation de l’économie sont, bien sûr, européennes.

C’est pourquoi nous nous réjouissons, malgré les manques que j’ai pu pointer, que le processus de régulation soit en marche au niveau européen et nous apporterons donc notre soutien à ce texte.

Pour autant, comme l’a démontré le processus ayant conduit à la mise en œuvre du reporting pays par pays pour les banques, l’Europe n’avance que par le volontarisme de ses Etats membres, et notamment celui de la France.

J’espère donc, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, que vous réserverez un sort favorable aux amendements que je vous présenterai tout à l’heure.

Je vous remercie.